Enlèvements programmés d’Occidentaux : Délire paranoïaque ou menaces réelles ?

Depuis un mois, certaines ambassades accrédités au Mali, en Mauritanie et au Niger demandent, par courrier, à leurs ressortissants de ne pas se rendre à Ségou, Bir Moghrine, Niamey, Kidal, Tombouctou, Lazaret, Nouadhibou, et d’autres villes de la région, quand elles ne leur conseillent pas, tout simplement, de se replier, avec famille et bagages, sur les capitales de ces pays pour des raisons de sécurité.

Cette décision est très logique vu la cadence terrible des enlèvements des touristes dans cette partie du Sahel. Les groupes terroristes affiliés à Al Qaida au Maghreb Islamique sont en activité progressive dans la région, ils menacent la vie des étrangers avec leurs actions qui visent surtout à kidnapper les Occidentaux. Il y a un mois, un otage français, Michel Germaneau, avait été égorgé par un groupe terroriste très violent suite à un raid raté de l’armée mauritanienne appuyée par des troupes françaises. Quinze jours après, un autre otage algérien sera à son tour égorgé par l’Aqmi. Durant la même période, deux otages espagnols seront relâchés par les terroristes salafistes qui prennent le nord du Mali comme leur QG. Avant cette affaire, un douanier malien détenu depuis une quinzaine de jours entre les mains des salafistes armés aura la vie sauve. Ce dernier avait été relâché par les terroristes après deux jours de négociations avec des tribus maliennes. Au cours de ces six dernières années, Al Qaida au Maghreb Islamique a réussi à enlever 54 étrangers, dont trois seront exécutés par les le groupe d’Abdelhamid Abou Zeid.

Pis, de nouveaux rapts d’étrangers ne sont pas à écarter dans la région de Sahel voire même dans le Sahara tunisien où le couple autrichien avait été kidnappé, en 2008 par les terroristes d’Aqmi. Les activités des terroristes d’Aqmi ont sensiblement augmenté ces deux dernières années. S’agit-il d’une réelle menace ou simplement d’un délire paranoïaque ? Selon beaucoup d’observateurs, Al Qaida au Maghreb Islamique a été créée par des parties étrangères, et ce à des fins politico-stratégiques et même économiques qui visent la région. Cette organisation terroriste «virtuelle» de forme, mais existante sur le terrain avec des centaines de terroristes dans ses rangs obéit à un agenda de certains pays riches du globe.

Les rapts qui se sont produits durant des années au Sahel ont été orchestrés pour faire pression sur certains pays de la région, mais plus particulièrement de l’Algérie. Déjà minée par d’autres conflits très compliqués, dont le dossier du Sahara Occidental, la région attire aujourd’hui beaucoup d’intérêts des pays occidentaux. Ces nations s’impliquent de plus en plus dans cette petite partie du monde.

Les rapts d’étrangers ont permis aux occidentaux de s’engager au Sahel. Récemment, la France n’a pas osé envoyer ses troupes en Mauritanie puis au Mali pour soi-disant «combattre» Al Qaida au Maghreb. Une cascade très dangereuse dans le Sahel. Face aux français, les américains suivent de plus près ce qui se passe dans la région, eux qui cherchent toujours une base US au Sahara algérien. Ces rapts perpétrés par Aqmi donnent des arguments très solides afin que les pays occidentaux envoient leurs troupes dans la région.

Les ambassades occidentales se mobilisent pour leurs ressortissants 

Devant la menace terroriste permanente, un incident vient de se produire à Ségou, au Mali, qui a donné un autre coup sérieux aux ambassades occidentales pour dire à leurs ressortissants de ne pas se déplacer dans la région de Sahel. Tout serait parti, selon des sources maliennes, il y a quinze jours, d’un incident ayant concerné une jeune fille française, accompagnée lors de celui-ci par au moins une américaine. Les faits, tels que relatés par la jeune Française, auraient laissé augurer d’une tentative d’enlèvement prochaine d’Occidentaux à Ségou jusqu’ici épargnée par les rapts. Relayés par certaines représentations diplomatiques, ils prennent de plus en plus corps, sans que l’on sache réellement sur quelles évidences vérifiables ils reposent. D’où la crainte, légitime, de certains diplomates en poste à Bamako, qui se demandent si l’on ne va pas les accuser de laxisme pour n’avoir pas emboîté le pas à cette campagne. Dans un courrier urgent, l’ambassade de Belgique a déconseillé à ses ressortissants de séjourner à Ségou et dans les villes de Fada N’Gourma (Burkina Faso) Maradi (Niger) et Nouadhibou (Mauritanie). Même la RFI (radio française internationale) a diffusé des appels sur ses ondes appelant les touristes européens à faire preuve de beaucoup de vigilance lors de leurs périples au Sahel, notamment au Mali, Niger et Mauritanie. Un responsable de structure humanitaire belge a expliqué sur la RFI pourquoi il avait demandé aux expatriés de regagner Niamey, car selon lui, la sécurité dans ce territoire est très fragile. Avec le risque de se faire kidnapper, voler son véhicule ou son téléphone, la crainte commence sérieusement à s’implanter dans les esprits des européens. Beaucoup d’entre eux ont même songé à annuler leur voyage dans les pays de Sahel, certains l’ont fait déjà.

Ce coup de théâtre qui se poursuit dans le Sahel a-t-il été commandité par certaines parties ? Les autorités maliennes ont-elles été averties des «enlèvements d’Occidentaux» qui se prépareraient? Quelles preuves a-t-on de la réalité des risques? En attendant, certains touristes qui sont encore en vacances se préparent déjà au départ de peur d’être kidnappés à leur tour par les terroristes d’Aqmi.

A Ségou, à tout juste 220 kilomètres de Bamako, le risque est imposant depuis que des rumeurs parlent d’éventuels rapts de touristes dans cette ville malienne. Un climat délétère est donc en train de s’installer, avec tous les risques que peuvent entraîner les extrapolations qu’il occasionnera de la part d’imaginations fertiles ou de personnes aisément «paniquables». Si ces décisions reposent sur des fondements solides, autant les rendre publics et démontrer l’efficacité réelle des mesures de précautions préconisées, lorsque l’on sait comment il est facile, pour des gens organisés, d’enlever qui ils veulent, quand ils le veulent et où ils le veulent. Le douanier (exécuté récemment) et les deux gardes enlevés récemment dans le Nord en sont une preuve évidente. Sinon, nous n’assisterons qu’à la création d’un délire paranoïaque collectif de plus. Ce qui ne sert les intérêts de personne, sauf de ceux qui prétendent être capables de semer la terreur partout !

Par Sofiane Abi
Les Débats, 1/9/2010

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