LIBERATION DOTAGES ESPAGNOLS : Ainsi donc, on peut négocier avec AQMI

On vient dassister à un dénouement heureux dans une prise dotages dans la bande sahélo-saharienne. En effet, deux des trois humanitaires espagnols enlevés en novembre 2009, Roque Pascual et Albert Vilalta, ont recommencé à goûter à la liberté le lundi 23 août 2010. Alicia Gomez, le 3e otage, elle, avait déjà été libérée auparavant. Cette dernière libération intervient après neuf mois de captivité, neuf mois entre les mains de leurs ravisseurs qui ne sont nul autres que les fameux éléments dAl Quaïda au Maghreb islamique (AQMI). Il a fallu tout le temps que dure une grossesse normale pour que les négociations avec AQMI accouchent enfin de cette remise en liberté. Une libération qui intervient hélas après la froide exécution de lex-otage français, Michel Germaneau.
On se souvient que cette intervention musclée qui a échoué, a nourri largement la polémique, surtout dans lHexagone. Sarkozy, lui, a promis que la mort de Germaneau ne restera pas impunie. Dès lors, lon se demandait si la logique ne serait pas désormais à lusage tous azimuts de la méthode forte face à cette gangrène qui sévit dans la zone. Au demeurant, lescalade verbale entre Occidentaux (à travers la voix de la France) et AQMI faisait craindre, désormais, la mise à lécart de toute solution négociée pour ce qui est de la gestion des otages dans ce vaste désert. Bref, depuis lexécution de Germaneau, bien des observateurs se faisaient beaucoup de soucis pour les autres cas.
Et puis, du bon ! Avec ces libérations, on se rend compte que loption diplomatique garde toujours une place dans la stratégie de libération des otages. Comme quoi, on peut aussi négocier avec AQMI. Selon toute vraisemblance, les Espagnols nont pas épousé la thèse du « tout militaire » et la logique va-t-en-guerre, qui ont conduit au désastre que nous connaissons dans le cas de lex-otage français. Ils auront joué la carte de discrétion et du pragmatisme. Toutefois, les éternelles questions demeurent : y a-t-il eu paiement de rançon ? Quest-ce que la nébuleuse a perçu en contre-partie de cette libération ? On imagine mal que les enfants terribles du désert se soient amadoués seulement face à des yeux doux que leur auraient faits les négociateurs ou quils soient juste tombés sous le charme des prestations footballistiques de la Roja, la bande à Casillas en Afrique du Sud ! Ont-ils mis quelque revendication dans la balance ?
En tout cas, daucuns lient à ce dénouement lacceptation par la Mauritanie dextrader vers le Mali lex-prisonnier malien, Omar le sahraoui, condamné à 12 ans de prison à Nouakchott pour avoir facilité la capture, par AQMI, des otages dont il est question. Ce dernier aurait du reste déjà rejoint les bases dAQMI, au nord du Mali. En attendant den savoir plus, on peut dire que tous les moyens sont bons, sils permettent de sauver des vies humaines. Il est évident quavec cette montée en puissance des actes de terrorisme, dans la bande sahélo-saharienne, les chancelleries et les médiateurs ne savent pas vraiment quoi faire, entre intervenir militairement ou négocier. Reste que jusque-là, la négociation a toujours fait ses preuves, même si les éventuelles rançons versées servent à alimenter les fonds de la nébuleuse et la rendent de ce fait, plus forte et plus difficile à neutraliser.
En ce qui concerne la négociation pour la libération de ces otages espagnols, le Burkina, le Mali et la Mauritanie auraient joué un rôle capital. Si tel est le cas, le Burkina, une fois de plus, sillustre positivement dans les pourparlers pour le dénouement pacifique dune prise dotages dans le Sahel. A ce rythme, Ouagadougou deviendra un axe important par rapport aux stratégies de négociation. Il est heureux de redonner la liberté à des otages. Mais il serait bien plus agréable déviter ces prises dotages elles-mêmes. Et cest cela le vrai casse-tête. Un combat difficile et de longue haleine sil en est. Son importance commande que lon se mette à la tâche. Dautant que la psychose des menaces denlèvements et autres actes terroristes ont la fâcheuse conséquence de conférer à une région limage de zone rouge.
Nul besoin de dire quavec une telle réputation, humanitaires et autres partenaires finissent par tourner les talons. Et ce sont les pauvres populations qui sont rendues plus vulnérables parce que privées du soutien habituel dONG et autres. Il faut donc oeuvrer à sécuriser la zone en sattaquant non seulement aux causes profondes du terrorisme, mais aussi en travaillant à tarir les éventuelles sources de financement de la pieuvre. Hélas, cest justement ce volet du combat qui peine à prendre corps. Limportance de lenjeu et la pénibilité de la tâche commandent que laction soit concertée et que tous les Etats jouent à fond leur partition.
« Le Pays »
Le Faso.Net, 24/8/2010

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