Omar Sahraoui «extradé» vers le Mali: En échange de quoi ?

Omar Sahraoui, un ressortissant malien âgé dune cinquantaine dannées et condamné à 12 ans  de réclusion criminelle, pour complicité dans lenlèvement de trois otages espagnols sur la route  Nouadhibou-Nouakchott, est introuvable dans les cellules de la prison civile de Nouakchott, depuis quelques jours.

La peine prononcée, contre le malien, au mois de mai dernier, est un arrêt de la Cour criminelle de Nouakchott, confirmée la semaine dernière, par la Cour dappel. Aussitôt prononcé le verdict, lhomme sest «volatilisé» dans la nature. Selon une source autorisée, il aurait été extradé vers son pays, le Mali, pour y subir sa peine, conformément à un accord de coopération et dentraide judiciaire, signé, en 1963, entre Nouakchott et Bamako. Mis sous cet emballage, le «produit» est théoriquement consommable, sans susciter trop de curiosité, de la part des antennes prolongées et langues pendues de la presse.

Toutefois, le cheminement de la procédure qui a abouti à la condamnation de ce ressortissant du Nord Mali, le contexte politique sous-régional et les  développements récents des relations entre Nouakchott et Bamako, suggèrent quelques doutes, au sujet de cette thèse. Lors de son interrogatoire à la barre de la Cour criminelle, Sahraoui a nié tout lien avec la nébuleuse terroriste Al Qaida au Maghreb Islamique (AQM) et affirmé sa présence, à Bamako, au soir du 29 novembre 2009, date de lenlèvement des espagnols. Il ajoutait avoir été enlevé en territoire malien, par les services mauritaniens, en décembre 2009. Le fond de cette déposition, c’est-à-dire la présence, à Bamako, au soir de lenlèvement des humanitaires espagnols,  est réduit en bouillie, juste après, par le témoignage dun homme affirmant avoir vendu, à Omar, du carburant,  de la nourriture et de leau, sur laxe Nouadhibou-Nouakchott, quelques heures avant les faits déférés devant la Cour criminelle. Toutefois, à la faveur dun changement inédit du réquisitoire du représentant du Ministère public, lhomme passe du statut pénal dauteur principal à celui de complice. La suite est un verdict plus clément, tombé quelques heures après le passage, au palais de la République, dune délégation  composée de nombreux notables du Nord Mali.

Ce qui autorise de nombreux observateurs à penser que le contexte politique a largement influencé la décision «relativement clémente» de la Cour dappel. La confirmation de celle-ci, suivie de «lexfiltration» vers le Mali est intervenue pendant la présence, à Bamako, du ministre de la Justice, maître Abidine Ould El Kheir, porteur dun message de paix et damitié du président Mohamed Ould Abdel Aziz, à son frère et ami, le président Amadou Toumani Touré.

Les autorités maliennes sont particulièrement sensibles à tout ce qui touche la région du Nord, foyer dune rébellion qui renaît toujours de ses cendres, en dépit de la signature de nombreux accords. Bamako sefforce déviter tout ce qui pourrait offrir un nouveau prétexte à un nouveau foyer armé. Ce qui explique le pacte de paix non écrit, avec la nébuleuse Al Qaida au Maghreb Islamique (AQMI),  pour ne pas laisser naître, dans lesprit des concepteurs barbus de la violence, lidée dinstrumentaliser la question du Nord Mali. Koulouba ménage, à la fois,  les chefs terroristes et les populations du Nord, pour maintenir une paix, fragile, dans le désert malien.

A ce contexte initial, est venu sajouter  le coup fumant du 22 juillet dernier, sous la forme dune attaque franco mauritanienne contre une base dAQMI en territoire malien, sans que Bamako ait été préalablement mis au parfum de laffaire. Un ensemble de petites gouttes qui menaçaient de faire déborder le vase des relations entre Nouakchott et Bamako.

Pour éviter une telle perspective, la  Mauritanie se met à lécole de  «lintelligence et de la sagesse» politique de concéder quelque arrangement pour régler, judiciairement, une histoire de terrorisme. Exactement comme Bamako au mois de février dernier. A cette différence près que la justice malienne a prononcé une peine de 9 mois, purgé en détention préventive. Là ou Nouakchott, décidemment mal inspirée,  prononce une pénitence de 12 ans qui ne sera, jamais, exécutée.

Comme quoi, il faut désormais remuer 100.000 fois la langue avant de dénoncer la «clémence» de la justice malienne en faveur des terroristes et trouver un autre créneau pour la consommation des médias, très avides, il est vrai&

Amadou Seck

Le Calame, 18/8/2010

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*