Sonatrach gagne son procès face à Gas Natural

La Chambre de commerce international de Paris, qui remplit la fonction de tribunal international darbitrage, a donné raison à Sonatrach dans le procès qui loppose depuis trois ans au groupe espagnol Gas Natural-Fenosa sur le réajustement du prix du gaz algérien vendu à lEspagne à travers le Gazoduc Maghreb-Europe (GME) transitant par le Maroc.
Dans un communiqué publié hier à Barcelone, siège du groupe espagnol, Gas Natural indique avoir informé des termes de cette sentence la Commission nationale espagnole des valeurs (CNMV).
Ce contentieux remonte à juillet 2007 lorsque Sonatrach avait fait valoir, au moment de renégocier avec son partenaire espagnol laccord de commercialisation conclu deux années plus tôt sur le prix des 9 milliards m3 de gaz algérien vendu annuellement à lEspagne, la clause qui lui permettait daligner ce prix sur celui pratiqué sur le marché international. Clause que Repsol avait tenté de dénoncer.
Prix du gaz 20% moins cher
Cest le début dune «crise» dans la coopération énergétique entre lAlgérie et son principal client européen qui naura pas, toutefois, de répercussions sérieuses sur les relations globales entre les deux pays.
Le 23 mars 2007 à Madrid, le ministre algérien de lEnergie et des Mines de lépoque, Chakib Khelil, avait soutenu dans une déclaration que «depuis deux ans les contentieux énergétiques entre lEspagne et lAlgérie ne faisaient que saccumuler». Au centre de ces contentieux il y avait la question du prix du gaz algérien vendu à lEspagne, 20% moins cher que sur le marché international.
Alger exigeait donc le réajustement de ce prix et nobtiendra que de vagues promesses au terme de lentretien de M. Khelil avec son homologue espagnol de lépoque, M. Joan Clos. Cette dernière tentative de conciliation a démontré que chaque partie campait sur sa position.
Le ministre algérien avait alors fermement averti dans une déclaration à la presse que «le prix du gaz vendu à Gas Natural devrait être réajusté» et que dans le cas contraire, le gouvernement algérien «en tiendrait compte dans les négociations ouvertes avec cette entreprise».
Cette menace de M. Khelil se matérialisera avec la résiliation, en 2007, par Sonatrach du contrat qui la liait à ses deux partenaires espagnols, le groupe Repsol YPF et Gas Natural, pour lexploitation de limportant champs gazier de Gassi Touil.
Les deux entreprises pétrolières espagnoles navaient pas honoré, en effet, leurs engagements de mise en exploitation de ce gisement, deux ans après la signature des contrats sur ce périmètre. Une perte sèche pour lAlgérie qui se chiffrait en centaines de millions deuros.
«Manque de professionnalisme de Gas Natural Repsol»
Les deux entreprises espagnoles avaient justifié le retard de mise en exploitation du gisement de Gassi Touil par laugmentation des coûts de lengineering pour la construction dinstallations gazières à Oran.
«Il y a un manque de professionnalisme flagrant chez Repsol et Gas Natural», font observer les cadres de Sonatrach qui citent, à lappui de leurs arguments, le professionnalisme des grandes compagnies occidentales établies dans le sud algérien. «Cétait aux deux entreprises espagnoles de faire des études au mieux de leurs intérêts», soutiennent ces mêmes experts qui commençaient à soupçonner les groupes pétroliers espagnols davoir soumissionné «au rabais» pour sadjuger le projet de Gassi Touil et éliminer ainsi de la compétition des concurrents européens et américains, autrement plus qualifiés dans la recherche et lexploitation gazière. Saisi de ce contentieux par Gas Natural et Repsol ainsi que par Sonatrach, le tribunal darbitrage international avalisera, au début de lannée 2010, la résiliation du contrat par la compagnie algérienne. Première victoire de Sonatrach.
La voie diplomatique
Les deux gouvernements ont tenté vainement de simpliquer pour éviter le recours à larbitrage international dans cette double crise du prix du gaz et de Gassi Touil. Alger et Madrid ont donc tenté demprunter la voie diplomatique pour régler ce différend gazier. En avril 2009, une rencontre eut lieu en marge de la VIIe Conférence des «5+5» à Cordoue, entre le ministre des Affaires étrangères, Mourad Medelci, et son homologue espagnol, Miguel Angel Moratinos, à la suite de quoi le ministre espagnol de lIndustrie, Miguel Sebastian, se rendra quelque temps plus tard à Alger dans le but de faire avancer les négociations en vue dune solution à lamiable sur le contentieux gazier.
Cet «appui politique», selon la formule utilisée à Cordoue, visait à favoriser «une vision plus large de la coopération énergétique». La volonté politique nempêchera pas les négociations dentreprises de sacheminer vers limpasse. Le recours à larbitrage international restera donc la voie privilégiée.
La situation sest compliquée en raison des obstacles dressés par le gouvernement espagnol à lentrée de Sonatrach sur le marché gazier de lEspagne. «Nous sommes lobjet de dures discriminations. On nous autorise à écouler, en fait, une goutte de gaz dans un océan», dira M. Khelil au cours dune conférence de presse, en 2007 à lambassade dAlgérie à Madrid, en allusion à la petite quantité de 1 milliard m3 de gaz que Sonatrach était autorisée à vendre directement sur le marché espagnol. «Avec la disparition des intermédiaires, nous vendrons le gaz moins cher», soutiendra lex-ministre algérien.
Cest cette concurrence que craignaient les principaux importateurs espagnols clients du gaz algérien, à leur tête Gas Natural et Repsol. Malgré la farouche opposition de ces groupes à lentrée de Sonatrach sur le marché espagnol, la Commission nationale de lénergie (CNE), régulateur public du marché énergétique local, lèvera les restrictions imposées à la compagnie pétrolière algérienne. Gas Natural ne désarme pas et introduit un recours devant le tribunal suprême espagnol contre la décision de la CNE que cette institution judiciaire jugera recevable.
Un contentieux commercial politisé
Gas naturel a tenté dès le départ de «politiser» son contentieux avec Sonatrach en présentant aux médias espagnols la décision du «gouvernement algérien» de relever le prix de son gaz puis de résilier le contrat de Gassi Touil dinitiative «politique» destinée à punir lEspagne pour son inclinaison vers les thèses marocaines sur le Sahara occidental. Le président José Luis Zapatero et son ministre des Affaires étrangères venaient alors, tour à tour en 2007, dapporter, en effet, leur soutien au plan dautonomie marocain pour le Sahara occidental. Moratinos en serait même linspirateur.
La mise au point du gouvernement algérien ne sétait pas fait attendre. «Il sagit dun contentieux pure
ment commercial» entre entreprises, et rien de plus, dira M. Khelil. Le gouvernement espagnol finira par se ranger aux arguments de lAlgérie, à savoir que le contentieux de Gassi Touil était bien un différend entre entreprises, non entre gouvernements.
La volonté politique a prévalu quelque part, dans ce climat de crise, puisque ni le différend sur le prix du gaz, ni le contentieux de Gassi Touil nont eu des répercussions sur léquilibre globale de la coopération énergétique entre les deux pays. A ce jour, le fleuron de cette coopération énergétique cest le gaz, une énergie propre, malgré la baisse constatée des importations gazières par lEspagne, en raison de la crise économique quelle affronte depuis 3 ans.
LEspagne qui demeure toujours le principal client en matière énergétique de lAlgérie dont elle sera reliée vraisemblablement au début de lannée 2011 par la mise en service dun second gazoduc (Medgaz), mise sur un tel ouvrage pour assurer la stabilisation et la sécurité de son marché énergétique.

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