Processus de paix : Les pays occidentaux faussent les cartes

A n’importe quel prix, celui que devront payer les Palestiniens, la communauté internationale fait pression sur Mahmoud Abbas pour négocier directement avec Israël.
Et à la veille d’un fiasco diplomatique annoncé, tout indique qu’encore une fois les Israéliens sont en passe de gagner un temps précieux.
Le président Barack Obama et le Premier ministre britannique David Cameron souhaitent que Palestiniens et Israéliens commencent à négocier directement «dès que possible». C’est ce qu’a annoncé, ce vendredi la Maison Blanche après une conversation téléphonique entre les deux dirigeant qui ont discuté des efforts actuels pour faire progresser la paix au Proche-Orient et sont tombés d’accord sur la nécessité de voir les parties entamer des négociations directes dès que possible.
On le sait, M. Obama a fait de la relance du processus de paix au Proche-Orient une des pierres angulaires de sa politique étrangère. Mais de pareille annonces, qui ne restent que des professions de foi auxquelles l’adhésion de Londres ne change rien, ne peuvent escamoter le fait que la diplomatie américaine n’a jusqu’ici enregistré que des progrès modestes, voire quasi nuls. Tous les analystes convergent aujourd’hui pour pointer du doigt la mauvaise foi du gouvernement de droite israélien.
Pour sa part, le président palestinien Mahmoud Abbas a assuré qu’il était prêt à passer de la phase des pourparlers indirects avec Israël, relancés en mai sous l’égide des Etats-Unis, à celle des négociations directes, à partir du moment où plusieurs conditions étaient réunies, dont un retour aux frontières de 1967. Il est appuyé en cela par la Ligue arabe qui le laisse libre de choisir quand et comment entamer ces négociations directes, mais qui le soutient pleinement dans l’exigence de préalables. Or, à peine la réponse de Mahmoud Abbas formulée que le vice-Premier ministre israélien Sylvan Shalom affirmait, début août, que les conditions des Palestiniens étaient «impossibles» à accepter. Selon lui, le gouvernement Netanyahu n’a pas à faire sien les résultats des négociations faites avec Ehud Olmert, basées sur un retrait total israélien de Cisjordanie et Jérusalem-Est et la poursuite du gel de la construction (dans les colonies. Voilà déjà un point qui n’est pas pour rassurer les Palestiniens, et qui démontre qu’il n’y a pas de continuité dans tout processus de dialogue ou de négociations avec les gouvernements israéliens.
Cela veut dire aussi que quel que soit le résultat auxquels pourraient parvenir les négociations directes à venir, ils peuvent être remis en cause par un prochain gouvernement, exactement comme cela fut le cas avec une bonne partie des accords d’Oslo, même si cela n’a jamais été exprimé comme tel par les Israéliens.
Aujourd’hui, les Etats-Unis, selon le porte-parole du Département d’Etat, poussent «sans relâche» à la reprise du dialogue de paix direct entre Israël et les Palestiniens et de rappeler, à cet égard, que Washington espère que les négociations directes reprendraient avant la fin du gel partiel de la colonisation en Cisjordanie.
Ce gel partiel décrété en novembre dernier sous la pression des Etats-Unis par le gouvernement Netanyahu doit s’achever le 26 septembre et ce dernier a affirmé que les mises en chantier reprendraient dès l’expiration de ce moratoire. Mais ce coup d’arrêt ne concernait pas Jérusalem-Est, où les démolitions de maisons palestiniennes et les nouveaux quartiers de colonisation se sont multipliés sous le regard de la communauté internationale qui reste les bras croisés.
Ce qui fait qu’en réalité, la date donnée ressemble surtout à un ultimatum lancé à Mahmoud Abbas ; lequel fait, cela dit, preuve d’une résistance extraordinaire aux pressions US et refuse toujours de discuter avec Israël sans garantie sur le gel de la colonisation.

Mahmoud Abbas n’y croit pas

Pris en tenaille, Abbas est sommé par l’administration Obama de s’engager rapidement dans les négociations directes. Et le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, qui ne veut faire aucun compromis, ni d’ailleurs entrer dans le vif du sujet, a prétendu être prêt à discuter sans délai, ne laissant à Abbas que le choix et la responsabilité de refuser.
Recevant l’Américain David Hale, adjoint de l’émissaire d’Obama pour le Proche-Orient, George Mitchell, le président palestinien a fait savoir qu’il n’était pas opposé «en principe» à des négociations directes mais qu’il exigeait au préalable des garanties claires sur le gel de la colonisation israélienne et la reconnaissance des frontières d’avant la guerre de 1967 du futur État palestinien. Le même jour, le comité exécutif de l’OLP tente de renforcer la position de Mahmoud Abbas en se prononçant, dans un communiqué, en faveur de telles exigences.
Le fait est que trois mois après le lancement des négociations indirectes au Proche-Orient et un mois avant l’expiration de l’échéance fixée par la Ligue arabe, Barack Obama œuvre maintenant à multiplier les pressions pour obtenir des Palestiniens l’entame des discussions en gel depuis deux ans. De fortes pressions même. Abbas ne le cache pas : «Je subis une pression comme jamais je n’en ai subi de toute ma vie».
Dans une lettre, Obama a même averti le président palestinien que les relations entre Washington et l’Autorité palestinienne pourraient se détériorer si ce dernier refusait de reprendre les pourparlers directs avec Israël. Une lettre où Obama assure Abbas de son soutien en cas de début des négociations directes et qu’il veillerait à une extension du moratoire sur la colonisation juive en Cisjordanie qui expire le 26 septembre. En somme, la carotte et le bâton. D’autres pressions proviennent de l’Union européenne. Abou Mazen a reçu des appels téléphoniques des dirigeants britannique, allemand et italien pour le convaincre de reprendre les négociations directes. La Ligue arabe a donc réagi en écrivant, à son tour une lettre à Obama, remise à l’ambassadrice américaine au Caire Margaret Scobey, pour lui exposer leur position sur les négociations directes et leurs exigences. La position définitive de la Ligue arabe sur la question devra être adoptée en septembre par la totalité des 22 ministres membres. Dans ce contexte général, la presse palestinienne, dont Al Quds pu Al Ayyam paraissant à Ramallah, affirment que ahmoud Abbass a perdu foi en le processus de paix et croit que les pressions américaines et européennes aussi qui s’exercent sur lui pour accepter les négociations directes n’ont pour objectif que de donner davantage de temps aux Israéliens pour créer le fait accompli en multipliant les colonies en Cisjordanie et à Jérusalem, et par la suite, modifier la carte. Il sait, plus que tout, la coalition très à droite que dirige Netanyahu ne fera aucune concession en sa faveur.
Ce scepticisme des Palestiniens est plus que légitime, il est parfaitement motivé par la réalité du terrain, à commencer par le fait que l’on parle des négociations directes alors que les négociations indirectes pendant trois mois n’ont rien donné. En l’absence de garanties sur la fin du jeu, les directes peuvent facilement donc subir le même sort.

Trois obstacles majeurs

Présentement, il y a trois bonnes raisons de le penser, à commencer par la constance de la politique américaine et du reste de l’Occident qui demeure à la fois pro-israélienne et, pour ainsi dire, anti-palestinienne. Car il faut bien dire que les parties qui aujourd’hui font pression pour obtenir ces négociations, ne le font qu’avec les Palestiniens à qui on demande de prendre tous les risques, dont celui de voir ces négociations ne servir qu’à gagner du temps pour qu’Israël poursuive l’annexion des territoires palestiniens. Il faut bien le dire, l’attitude des Occidentaux fait qu’ils font plus partie du problème que de la solution. Preuve en est de la déception que suscite aujourd’hui Barack Obama sur qui le monde arabe avait placé ses espoirs, avant de le voir, intérieurement affaibli reprendre les lignes traditionnelles du soutien inconditionnel à Israël. Et comme on le voit, le gouvernement Netanyahu et ses alliés de l’extrême droite poursuivent le démantèlement territorial de la Cisjordanie.
Deuxième élément de scepticisme, la division des Palestiniens. On ne comprend pas encore comment les Palestiniens peuvent espérer que Tel-Aviv soit sincèrement résolu à négocier quoi que ce soit, quand ce dernier affirme cyniquement qu’il n’a pas d’interlocuteur en face de lui. Aujourd’hui, que l’on l’admette ou pas, la délégation palestinienne manque de représentativité, car le Hamas reste un acteur important de la société palestinienne, et pas seulement à Ghaza. Et le succès du Hamas en 2006 reste une victoire démocratique qui plaide pour qu’il soit associé à toute négociation, même si les Palestiniens peinent à relancer leurs institutions. Or, quand ils en viennent à analyser la division interne, Abbas et du Fatah estiment que c’est en faisant triompher l’option du dialogue qu’ils pourront alors résoudre la question de la légitimité en Palestine. Et dans tous les cas de figure, le Hamas, comme le reste des factions de la résistance, ne se sentent aucunement lié par les résultats à venir de ces négociations.
Mais le plus grave n’est pas là. Il est dans le fait que les Occidentaux, Américains en tête (que Obama soit prix Nobel de la paix ou pas), restent claquemurés dans leur logique anti-palestinienne, dont one ne sait si elle se nourrit d’une ancestrale culture coloniale ou, plus récente, d’une culpabilité indélébile à l’égard des crimes de l’Occidental contre les juifs durant la seconde guerre mondiale. Et cela se traduit par ceci : la Palestine est le seul pays au monde dont l’autodétermination, bien que reconnue par l’ONU, le droit international et la communauté internationale, soit soumise à des négociations avec l’ennemi.
Les puissances occidentales ont décidé de laisser le soin à l’occupant de dire quand les territoires qu’il occupe sont libérables ou non. Voilà le principe du soutien occidental à Israël et qui reste plus grave que tout l’arsenal militaire et les aides financières qui puisse être accordé à l’Etat hébreu. Un principe tronqué, honteux, qui renie toutes la valeurs démocratiques dont se prévaut l’Occident et qui, d’autre part, éclaire davantage sur l’actualité du monde que ladite la théorie du choc des civilisations.
Par Nabil Benali

Les Débats, 11/8/2010

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