Des associations marocaines préparent un boycott commercial sur Melilla

L’Espagne propose d’envoyer des émissaires pour donner « davantage d’information » à Rabat
Ignacio Cembrero / A. Manresa – Madrid / Palma de Mallorca – 11/8/2010
Les mots conciliateurs vers le Maroc prononcés hier par le président José Luís Rodríguez Zapatero n’ont pas servi, pour l’instant, à apaiser les intentions du côté marocain. La nouvelle étape de tension qui se rapproche sera le boycott partiel de Melilla de la part de la coordonnatrice de la société civile du nord du Maroc et du Comité National pour la Libération de Ceuta et Melilla.

Mounaim Chaouki, qui préside la première association et il se charge des relations extérieures de la deuxième, s’est présenté hier de bonne heure à Beni Enzar, à la frontière de Melilla, avec une poignée de militants nationalistes. Il a expliqué aux camionneurs qui transportent des marchandises à Melilla qui, en coïncidant avec le commencement du ramadan, « à partir du jeudi, ils empêcheront l’entrée de poisson » dans la ville. « À partir du lundi le boycott affectera aussi aux matériaux de construction pendant au moins 15 jours », remarque Chaouki par téléphone.
Pour l’instant ils ne mettront pas des bâtons dans les roues à la circulation de fruits et de légumes, le troisième produit que le Maroc exporte légalement à Melilla à travers une douane commerciale inexistante à Ceuta.
Chaouki, qui était espagnol et possède même une carte d’identité périmée qui, selon lui, n’a pas pu renouveler, lève la voix quand il explique les motifs de sa protestation : « Vous ne pouvez pas imaginer comment la police espagnole se comporte, comment elle agresse les Marocains qui veulent se rendre à Melilla ».
Hier il n’y a pas eu de nouveau communiqué de la diplomatie marocaine. Par contre, les déclarations des partis et ONG’s se sont poursuivis. Les ex-communistes du Parti du Progrès et du Socialisme ont exigé de l’Espagne « l’arrêt immédiat des agressions racistes (…) ». La prestigieuse Association Marocaine de Droits de l’homme a aussi rejoint le rang des condamnations. Celles-ci visent les autorités et les journalistes espagnols. Le Syndicat National de la Presse Marocaine leur a reproché ne pas avoir couvert la conférence de presse d’un membre du Polisario, un résidant dans les camps de réfugiés, qui a loué l’offre de Rabat d’octroyer une autonomie au Sahara Occidental.
Zapatero a cassé hier le long silence des membres de son Gouvernement sur la tension bilatérale inattendue. Il s’est montré disposé à « éclaircir, dialoguer et informer » à Rabat sur « les comportements policiers dans la frontière de Melilla », mais il n’a pas mentionné Ceuta. Si le Maroc le croit opportun, des envoyés des ministères de l’Intérieur et des AE lui apporteront l’information nécessaire, signale une source diplomatique. Le président a soutenu les forces de sécurité qui, selon lui, « agissent avec la correction maximale ». Il a avoué, enfin, son souhait pour « que monsieur l’ambassadeur du Maroc soit ici ».
Le poste est vacant depuis huit mois. Bien que le roi Mohamed VI désignât en janvier Ahmed Ould Souilem, un responsable du Polisario qui a rallié le Maroc il y a un an, il ne l’a pas encore nommé. Ce retard en soi illustre déjà une certaine détérioration de la relation bilatérale.
L’agence de presse officielle marocaine (MAP) a réinterprété les mots de Zapatero – l’information que l’Espagne est disposée à donner à Rabat est devenue « une explication » – après être reçu à Majorque par don Juan Carlos. En plus, elle a omis de mentionner le soutien qu’il a exprimé aux forces de sécurité.
Avant que Zapatero ne parle, celle-ci, à travers ses syndicats, ont manifesté leur malaise de devoir « donner la face » pour la défense de ses agents à la place des ministères de l’Intérieur et des AE. 

Chronologie de la tension
– Mohamed VI choisit un nouvel ambassadeur en Espagne qui obtient l’accord en avril, mais il ne l’a pas encore nommé.
– Plaintes du Palais Royal. Au mois de juin, le roi demande la réduction des vols d’un hélicoptère militaire espagnol qui approvisionne Alhucemas, pendant le séjour du roi dans la ville.
– Premier communiqué du Maroc. Le 16 juillet dénonce le « mauvais traitement de la police » infligé à 5 jeunes dans la frontière de Melilla.
– Deuxième communiqué. Le 2 août dénonce « l’agression » par la police d’un jeune dans la même frontière. Le ministre des AE marocain convoque, en plus, l’ambassadeur d’Espagne.
– Réponse d’Espagne. Le Ministère des AE répond, le même jour, que sa version « n’est pas d’accord » avec celle de Rabat et lamente que ces épisodes soient « singularisés ».
– Troisième communiqué. Le 6 août, le Maroc dénonce l’abandon par la Guardia Civil de huit subsahariens en « état de santé critique » dans la côte marocaine près de Ceuta.
– Quatrième communiqué. Le 7 août dénonce d’autres incidents avec la police espagnole dans le point de passage de Melilla.
– 5ème communiqué. Le 9 août, Rabat exige de l’Espagne des « réponses précises » à ses plaintes.
– Réponse de Zapatero. Le président se déclare disposé à « éclaircir, dialoguer et informer » Rabat, mais aussi apporte son soutien aux forces de sécurité. 
EL PAIS, 11/8/2010

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