Les relations entre le Maroc et l’Espagne se sont à nouveau dégradées, à cause de la tension qui règne depuis quelques jours après les incidents ayant suivi les violences commises par la police espagnole contre des Marocains. Cela s’est produit, une nouvelle fois, à l’entrée de Melilla, dans le nord du Maroc. Le ministère marocain des Affaires étrangères dénonce dans un communiqué «la dérive dangereuse» du comportement de la Garde civile espagnole. Les derniers évènements se sont produits dans la nuit de mercredi à jeudi pour le premier, puis hier matin le second. Dans les deux cas des citoyens marocains ont été victimes de violences à des degrés divers (gifles, coups de matraque …). Des faits devant témoins qui portent à 5 le nombre de citoyens marocains victimes de mauvais traitements de la garde civile espagnole en quelques semaines. Il y a deux jours, ce sont huit migrants illégaux subsahariens qui dénonçaient à leur tour le comportement violent de policiers espagnols. Ils avaient été laissés en mer au large de Belyounech dans un état critique. Déjà lors des précédents incidents, les autorités marocaines avait déploré «les manquements à la déontologie et les agissements aux fondements incontestablement racistes». Partout dans le royaume, le sentiment antiespagnol s’est exacerbé, avec des manifestations de protestation qui ont été organisées dans plusieurs villes et un sit-in devant l’ambassade d’Espagne à Rabat. Dans le monde, c’est l’incompréhension du fait que le gouvernement marocain ne s’était jamais officiellement plaint de quelque pressions que ce soit sur la communauté marocaine ni n’avait préparé l’opinion à cette nouvelle tension. Le roi Mohammed VI s’était plutôt focalisé dans son discours à la nation du 1er août dernier sur l’Algérie, qu’il accusait de chercher à «torpiller son projet d’autonomie au Sahara Occidental». La xénophobie se généralise en Europe ! Cette montée de la xénophobie en Espagne visant la communauté marocaine, et plus généralement maghrébine (avec la forte communauté algérienne installée dans ce pays), est à l’image de ce qui se passe partout ailleurs en Europe, où les discours d’extrême-droite sont, comme en France, désormais ouvertement adoptés par les gouvernements en place. cela s’explique, en grande partie, par l’aggravation de la crise économique dans ce pays, où le gouvernement socialiste fait face à une gronde sociale sans précédant. Mais ce qui caractérise ce nouvel accès de fièvre, c’est l’ambiguïté des relations politiques et historiques entre les deux pays : allié traditionnel, Madrid soutient de façon systématique Rabat sur la question sahraouie – ce qui pousse un pays comme l’Algérie à s’en éloigner –, mais n’est jamais parvenu à assainir tous les contentieux historiques liés à l’occupation notamment de Ceuta et Melilla. En 2002, le Maroc avait déclenché un conflit majeur avec Madrid, au sujet de de l’îlot «Leïla» (Persil pour les Espagnols), que les autorités marocaine se disent en droit de venir «reconquérir». Dans leur aventure, les Marocains n’ont eu le soutien d’aucun pays de l’Union du Maghreb arabe. Les observateurs ont vu dans cette razzia impromptue sur un îlot de moins de 2 000 m2, oublié de la géographie, une tentative visant, essentiellement, à provoquer la diversion sur les développements en cours du conflit au Sud, qui était arrivé à l’impasse au point où l’appui américain ne parvenait plus à peser de façon décisive sur les décisions approuvées par la communauté internationale. Le Maroc, en butte depuis quelque temps à une crise interne aiguë, aura laissé s’accumuler plusieurs contentieux du genre, puisqu’en plus de Rio de Oro et de cette petite île qu’il vient de conquérir, le Maroc revendique toujours les deux villes Ceuta et Melilla occupées par l’Espagne depuis plus d’un siècle sans jamais oser, pour autant, à les poser tous à la fois dans un cadre de décolonisation globale. Mussa Acherchour
La Nouvelle République, 9/8/2010
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