L’auberge de jeunesse pour inculquer la culture du voyage

Par Karima MokraniA l’auberge de jeunesse de Belouizdad, la seule au niveau d’Alger, toutes les chambres sont occupées. Il n’y a plus de place pour de nouveaux visiteurs, surtout en cette période d’accueil des jeunes du Sahara occidental.
Un séjour à moindres frais
L’auberge est petite, conçue pour un nombre limité de 50 lits. Une cinquantaine de lits pour des jeunes qui viennent des quarante-huit wilayas du pays.
Et pour dire vrai, elle ne reçoit pas que des jeunes. «La jeunesse est dans la tête. Nous avons un homme de 70 ans qui, chaque fois qu’il vient chez nous, créé une ambiance toute particulière. Il est très aimé et respecté. Le jour où il part, les autres le réclament», réplique Youcef Lahlouh, le directeur de l’auberge, soutenant que les portes de cet espace, créé pendant la période coloniale (en 1946), restent ouvertes pour toutes les personnes âgées entre 7 et 77 ans. La réglementation fixe le séjour à trois jours seulement chaque quinzaine. «Ce n’est pas un hôtel, c’est juste un point de passage. Il y a des exceptions, mais c’est rare», confie-t-il. Un groupe de Batna, composé d’une quarantaine de personnes, y a justement passé trois jours avant l’arrivée des représentants du Sahara occidental. Le groupe est composé d’hommes et de femmes du secteur de l’éducation nationale. De  bons vivants venus avec leurs enfants et d’autres de leurs collègues. Ce sont des habitués des auberges de jeunesse, des amoureux de l’aventure et des voyages. Ils connaissent bien le directeur de l’auberge, le contactent avant de «débarquer» à Alger et s’organisent de façon à y passer trois jours, pas seulement dans l’auberge, mais dans tout Alger, dans de bonnes conditions. «Après Alger, on ira à Oran, Mostaganem et Tlemcen et on retournera après à Batna. Trois jours dans chaque ville. C’est ce que nous faisons chaque année. Personnellement, je ne peux pas m’en passer», raconte Ahmed, le chef du groupe. Ahmed est âgé d’une cinquantaine d’années (il paraît moins). Il est directeur d’une école primaire. Son fils âgé de 18 ans est avec lui. Ahlam doit avoir le même âge. Elle aussi est venue avec son fils. Elle est intendante dans un lycée. Au moins une quinzaine d’enfants et d’adolescents, dont des émigrés, sont ainsi dans le groupe, en plus du chauffeur du bus loué pour l’occasion et d’un guide, désigné par le premier responsable de l’auberge, pour orienter ses hôtes dans leurs déplacements dans la ville. «Ce matin, nous étions au centre-ville et cet après-midi, nous le passerons à Sidi Fredj… J’exerce ce travail de guide depuis quinze ans. Je le fais avec tous les groupes venant de toutes les wilayas», raconte le guide. Avant le groupe de Batna, il y eut celui de Saïda, mais ce dernier est arrivé dans le cadre d’une opération de jumelage entre les auberges de jeunesse des deux wilayas.
Capacité d’accueil limitée C’est une pratique ancienne et même fréquente dans l’histoire des auberges de jeunesse en Algérie, dont les ajistes sont d’ailleurs fiers. «Ces opérations de jumelage sont très fréquentes chez nous. Cela permet aux jeunes de voyager dans tout le pays et créer des échanges culturels et autres. Nous le faisons surtout avec les clubs sportifs», raconte M. Lahlouh. Voilà une belle façon de passer de bonnes vacances en famille, pourrions-nous dire, et à moindre prix. En effet, la nuitée est à seulement 200 DA. Ajoutée aux frais du petit-déjeuner, déjeuner et dîner, le tout revient à 350 DA seulement. Ceci en ce qui concerne les groupes qui voyagent seuls (en dehors du jumelage). En plus, le cuisinier de l’auberge fait de bons plats. Dommage que cela soit limité vu les capacités restreintes de l’auberge. «Il faut au moins quatre auberges de jeunesse à Alger», estime un ancien ajiste. Un autre soutient qu’il en faut plus : «Tout est centré à Alger. Les administrations, les structures hospitalières… il faut au moins cinq cents lits.» En effet, ceux qui frappent aux portes de l’auberge ne se comptent pas seulement parmi les personnes qui cherchent à découvrir Alger, la capitale. Beaucoup d’autres y viennent pour des affaires personnelles : des étudiants qui passent des examens, de simples citoyens à la recherche de travail, des personnes malades (des cancéreux et autres) pour des rendez-vous à l’hôpital… Et c’est là où le manque de ces espaces se faire ressentir le plus. «Ce n’est pas tout le monde qui peut se permettre une chambre d’hôtel», soutient un ancien habitant d’Alger, arrivé dans la ville pour des papiers administratifs. Une étudiante à la recherche d’un emploi rencontre la même difficulté. «Je suis en train d’appeler des amies pour la dépanner quelques jours, le temps de trouver une pension ou une location pas trop chère. J’ai pensé à la maison de jeunesse de Belouizdad, mais on m’a dit qu’elle est déjà sous pression», confie l’une de ses amies.  En ces temps de cherté de loyer dans les hôtels, mais aussi des voyages et autres déplacements, les auberges de jeunesse s’avèrent l’endroit le mieux indiqué pour répondre aux besoins des voyageurs. Malheureusement pour ces derniers, il n’y en a qu’une centaine sur tout le territoire national. Une moyenne d’une à deux dans chaque wilaya. De plus, certaines sont trop petites, d’autres ne répondent pas aux critères de salubrité et d’équipement et d’autres encore, bien faites, se trouvent dans des endroits qui ne répondent pas aux besoins des clients. Celles du Sud sont pratiquement interdites aux jeunes Algériens. «Elles reçoivent les touristes étrangers», affirme un ajiste comme pour les défendre.
Carte internationaleCette situation interpelle, à plus d’un titre, les représentants des pouvoirs publics, à leur tête le ministère de la Jeunesse et des Sports qui chapeaute ces structures. D’autres départements ministériels se doivent également de contribuer à l’épanouissement de toute une population en mal de repères. Tous sont interpellés pour inculquer la culture du voyage et diversifier les possibilités d’échanges culturels, artistiques… Ce qui est aussi intéressant dans ces auberges, c’est le fait de pouvoir, en tant qu’adhérents, aller dans d’autres auberges et profiter des mêmes avantages, et des activités artistiques dispensées non seulement dans le pays, mais aussi à l’étranger.  «C’est une carte internationale», indique le directeur de la seule auberge de jeunesse d’Alger. M. Lahlouh parle de cette carte d’adhésion que doit avoir chaque ajiste. Avec cette carte, payée à seulement 150 DA l’année, l’ajiste peut aller dans toutes les auberges de jeunesse à travers le monde. Une occasion de découvrir d’autres pays sans se faire trop de soucis, côté argent, ce que beaucoup ignorent. C’est limité à un nombre restreint de citoyens proches de ces structures et des services du ministère de la Jeunesse et des Sports. Un travail de sensibilisation doit être entrepris à ce niveau pour amener un maximum de personnes à reprendre goût à l’aventure et aux voyages, aussi brefs soient-ils. L’urgence reste, toutefois aujourd’hui, l’amélioration des infrastructures existantes et la construction d’autres.  

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