Un discours agressif à l’égard de l’Algérie à l’occasion de la fête du trône : Que veut le Maroc ?

Des «efforts de concertation et de coordination avec les Etats maghrébins frères (…) en attendant que l’Algérie cesse de contrarier la logique de l’histoire, de la géographie, de la légitimité et de la légalité au sujet du Sahara marocain». Voilà qui est dit.
Le roi du Maroc, à l’occasion de la fête du trône, a forcément rappelé une des constantes de la politique internationale marocaine, la question de sa souveraineté territoriale, contestée au niveau international et même auprès de toutes les instances légales dans le monde.
Mais dans le discours marocain, ce n’est pas un problème de revendication nationale exprimée dans les territoires sous occupation marocaine et violemment matée à chaque occasion par les services de l’ordre du royaume, mais juste une question politique à régler avec le voisin de l’Est, à savoir l’Algérie. Le roi Mohamed VI a dit espérer que l’Algérie «renonce à ses manœuvres désespérées visant à vainement à torpiller la dynamique enclenchée par notre initiative d’autonomie pour nos provinces du sud» et dans tout cela, pas un mot sur ceux qui portent les revendications territoriales et avec qui le Maroc a connu plusieurs phases de négociations. Le projet d’autonomie est avant tout dénoncé par les sahraouis et le Front Polisario.
Il est toutefois intéressant de noter que le discours royal se tient en guise de réponse au message protocolaire adressé par le président Bouteflika au roi du Maroc à l’occasion de cette fête nationale marocaine. Le président algérien avait écrit : «Il m’est agréable, au moment où le peuple marocain frère célèbre le 11e anniversaire de votre intronisation, d’adresser à Votre Majesté, au nom de l’Algérie, gouvernement et peuple, et en mon nom personnel, mes vœux les meilleurs, priant Le Tout-Puissant de vous garder et de vous accorder santé et bien-être pour poursuivre votre glorieuse démarche à édifier le Maroc du progrès, de la prospérité et de la gloire». Ajoutant : «Je tiens à réaffirmer ma ferme détermination à hisser les relations bilatérales et à raffermir les liens de fraternité et de bon voisinage qui unissent nos deux peuples frères et au service de leur prospérité et progrès».
A l’encontre de l’histoire
Il est évident que la prospérité et le progrès du Maroc ne passent pas par l’annexion d’un territoire que l’histoire moderne a déterminé comme dépendant de la seule solution que préconiserait la population qui l’habite.
Certes, accuser l’Algérie d’être l’instigatrice des tensions et l’entité responsable de ce qui se passe au Sahara occidental est particulièrement méprisant pour ces «sujets» pour lesquels on a échafaudé un plan d’autonomie, lui-même aveu que les territoires ne sont sous la souveraineté marocaine que par le jeu du statu quo et le fait accompli installé dans le temps.
Il est tout de même aberrant d’évoquer la logique de l’histoire lorsqu’on parle du Sahara occidental devenu par la force les provinces du sud, quand ces mêmes provinces étaient à un moment partagées au nom de la même logique historique entre deux pays, le Maroc et la Mauritanie, au sud. La logique de l’histoire voudrait que le Maroc ne revendique plus alors la portion qu’il a admis comme étant partie intégrante du nord de la Mauritanie.
Ce même entêtement à vouloir défendre une souveraineté facilement contestable sur des territoires revendiqués par ceux-là mêmes qui les habitent, frise le ridicule lorsqu’on sait qu’aucun pays n’a reconnu la dite souveraineté marocaine sur ne serait-ce qu’un centimètre carré du territoire du Sahara occidental. La profusion de drapeaux rouges marqués d’une étoile verte semés au Sahara occidental ne trompe personne. Et puis, qu’est-ce que ce tissu de contradictions politiques et diplomatiques ? A l’occasion de la célébration du 5 juillet, fête de l’indépendance en Algérie, le roi Mohammed VI avait, dans un message adressé au président Bouteflika, appelé à renforcer davantage les relations bilatérales entre le Maroc et l’Algérie. Le roi Mohammed VI évoquait l’œuvre pour le rapprochement et la solidarité entre les deux pays, la complémentarité et l’intégration. Par ailleurs, au moment du décès du frère du président Bouteflika, le royaume s’était distingué en envoyant une importante délégation ministérielle marocaine à Alger pour transmettre un message de condoléances du roi Mohammed VI au Président Bouteflika. Une délégation officielle pour un événement familial qui touche le président algérien, c’est un signe, et qui n’est pas à inscrire dans la même veine que les propos véhéments du souverain marocain à l’égard de l’Algérie dans son discours du trône.
Le juste rappel du Polisario
On notera toutefois l’absence de réaction officielle en Algérie aux propos du souverain chérifien. Dans le même temps, le gouvernement de la RASD a rappelé dans un communiqué que «les résolutions de la légalité internationale sont claires vis-à-vis de la question du Sahara occidental, dernière colonie en Afrique, et dont la solution réside dans l’application du principe d’autodétermination et du respect des frontières héritées du colonialisme». Rappel utile et qui évite largement les amalgames.
Les représentants sahraouis ont appelé également l’ONU à ce qu’elle agisse pour accélérer la «mission de décolonisation au Sahara occidental», et permettre ainsi au peuple sahraoui «d’exercer son droit inaliénable à l’autodétermination et à l’indépendance». L’ONU seul recours aujourd’hui, les autorités sahraouies n’hésitent pas à demander que les Nations unies fassent pression sur le gouvernement marocain pour qu’il respecte la légalité internationale et fasse cesser les violations des droits de l’Homme au Sahara occidental.
Discours, réactions, tout cela paraît à la limite dérisoire quand on sait que le simple fait de continuer à affirmer haut et fort que le Maroc ne négociera pas sa souverainement sur les territoires du Sahara occidental, on comprend que la situation de blocage ne peut que perdurer. Les issues stériles des rounds de négociations de Manhasset ne sont finalement que le résultat de cet entêtement à refuser toute discussion sur l’annexion des territoires du Sahara occidental par le Maroc en 1975. De refuser toute évocation du référendum d’autodétermination avec pour option l’indépendance. On se demande alors à quoi peuvent bien servir les négociations qui n’aboutissent à rien si ce n’est à entériner le statu quo. Dans le même temps, on comprend aisément que devant le refus de la communauté internationale d’entériner un fait accompli, le Maroc joue sur le temps. Reste à savoir si le temps est forcément en faveur de la monarchie ?
Par Amine Esseghir
Les Débats, 4/8/2010

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