Un journaliste algérien dans la ville occupée de Dakhla (II)

Echorouk pénètre à « Dakhla » : les Marocains payent des enfants sahraouis pour lever le drapeau des occupants

Les longues déambulations à travers les rues de Dakhla, mon regard posé sur les passants, sur les mendiants de la ville, mont fait penser quil devait y avoir quelque chose dautre, de plus authentique que le semblant de stabilité et de calme dont on veut bien colorer Dakhla.
Une autre curiosité ma capté dans la ville, cest le nombre incalculable de drapeaux marocains qui surplombent les institutions publiques, les administrations, les casernes, les bâtiments, les boutiques, et même les commerces. Lorsque jai posé la question à propos de ce surnombre de drapeaux, on ma affirmé que cétait événementiel, et quil sagissait uniquement de la fête du Trône, et que beaucoup de ces drapeaux seraient aussitôt après retirés. A ce moment, un enfant passa devant mes yeux courrant drapé dun drapeau marocain. Je rattrapais lenfant plus loin, dans une rue avoisinante, loin des regards, et je lui posais la question pourquoi il courrait ainsi emmitouflé. Lorsquil a su que jétais un journaliste algérien, il ma aussitôt répondu « on ma donné de largent pour que je passe devant vous ainsi drapé ».
Je retournais à ma place, et continuait à siroter mon thé à la menthe, me demandant ce que pouvais bien penser les Sahraouis présents dans les parages, parce quils ne pouvaient sexprimer librement devant des étrangers. Un ancien membre du Front Polisario, dissident qui a rejoint le camp marocain, était avec nous. Ses habits traditionnels ont été changés pour un nouvel accoutrement, mais son visage gardait les traits sahraouis. Le poète algérien résidant au Maroc, Said Hadef, était à mes cotés, ainsi que quatre jeunes sahraouis. Je tendis alors loreille pour saisir leurs propos, et je compris quils parlaient de nous et sétonnaient de voir des Algériens faire le jeu du Makhzen : de toute évidence, jétais ciblé par leurs paroles. Je compris aussi que ces jeunes ne pouvaient parler à haute voix, sachant que le renseignement marocain était présent partout.
Après avoir parcouru certaines rues de la ville, avec nos accompagnateurs, qui ne nous quittaient pas dune semelle, je compris que nous étions étroitement surveillés, et quordre avait été donné pour limiter nos mouvements au maximum. Arrivé près de la plage de Dakhla, je remarquais une vaste kheïma sur laquelle était écrit « Village des enfants : festival dété de Dakhla ». Près dune trentaine denfants sy tenaient, avec des éléments de la Protection civile et des maîtres-nageurs. Je décidais de me présenter à eux et de décliner mon identité véritable. Ils mont immédiatement salué. Certains gosses ont commencé à chantonner lhymne national algérien, et je pus constater à loisir combien les enfants sahraouis aiment lAlgérie. Les encadreurs mont même fait savoir quils étaient étonnés de « voir un algérien ici ». « Cest bien la première fois », ont-ils précisé. Et quand je demandais pourquoi, ils ont répondu que cétait normal « parce que lAlgérie soutient le Polisario, et que de ce fait, il était normal de ne pas laisser un Algérien venir ici semer la zizanie. » A cet instant, un homme surgit et commença à dire quil me suivait sur les chaînes satellitaires, puis me demanda quil attendait de moi dêtre neutre et de ne relater que la vérité. Ce que je promis…
Les enfants, filles et garçons, étaient certainement très contents de me voir et avaient même dansé aux cris de « one, two, three, viva lAlgérie »…Jai posé cette question à un des enfants : « Que veut tu devenir plus tard ? », et il répondu immédiatement : « Policier ». Et quand jai demandé pourquoi, il ma précisé : « Je veux venger ma famille maltraitée par des policiers marocains. »
Une gamine voulait devenir médecin, « pour soigner mes compatriotes démunies ». « Pourquoi, ny a-t-il  pas des hôpitaux ici ? », demandais-je sans innocence. Et elle de répondre : « Les hôpitaux ici cest pour eux, pour le Maroc ».
Un troisième gamin était féru de football et voulais devenir joueur plus tard. Il ma cité les noms de Ziani, Antar Yahia, puis Saâdane et Raouraoua, quil articula difficilement. « Je veux jouer en équipe nationale », a-t-il affirmé. Je questionnais : « Dans léquipe nationale marocaine ? ». « Non, dans léquipe nationale sahraouie », a-t-il précisé sans sourciller;
Echourouk Online, 4/8/2010

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