Sahel : La lourde responsabilité de la France

Le Sahel dans une zone de turbulences : La lourde responsabilité de la France
1 Août 2010
Par Sadek Belhoucine
La France amnésique a oublié que l’Algérie avait, à maintes reprises, lancé des alertes sur le caractère transnational du terrorisme. Peu d’Etats de la communauté internationale ont prêté une oreille attentive aux mises en garde d’Alger. Paris se voit maintenant contraint de parer au plus pressé faute d’avoir su ou voulu anticiper sur les évènements.
L’opération franco-mauritanienne du 22 juillet dernier contre l’Aqmi n’a pas encore révélé tous ses secrets. Les déclarations des autorités mauritaniennes et françaises sur cette action sont en effet contradictoires. Pour les premiers, l’action coordonnée avec les Français avait pour seul objectif de prévenir une attaque de l’Aqmi sur son territoire, programmée le 28 juillet. Pour les seconds, l’opération militaire franco-mauritanienne visait à libérer l’otage français Michel Germaneau, détenu depuis avril par l’Aqmi. Des déclarations qui ne font d’obscurcir davantage les tenants et aboutissants de cette opération menée contre le groupe terroriste et qui a mis dans la gêne les autorités de la région. Les gouvernements de ces Etats ont réagi de manière assez prudente, ne condamnant pas le raid raté de l’armée française contre un campement de terroristes, en vue de libérer l’otage français, pour les uns, tandis que les autres ont souhaité qu’il y ait plus de « coordination » avec les Etats de la région du Sahel, à l’avenir pour ce genre d’opération, qui a tourné au drame, puisque l’otage aurait été exécuté le lendemain même par ses ravisseurs. Plus que cela, il y a la déclaration de guerre, faite par le président français, Nicolas Sarkozy, au lendemain de la confirmation de l’exécution de Michel Germaneau qu’il faut retenir. La France a beaucoup d’intérêts économiques dans cette région désertique qu’elle est appelée à défendre contre les attaques des groupes terroristes qui activent dans la bande sahélo-sahélienne. L’argument sera ainsi brandi par la puissance française pour revenir s’implanter durablement dans son ancienne chasse-gardée sous le prétexte du « devoir d’ingérence » cher à Bernard Kouchner, oubliant par là que les pays de la région sont engagés depuis fort longtemps, avec le peu de moyens dont ils disposent, contre les groupes terroristes. Que fera maintenant la France ? « Le crime ne restera pas impuni », avait menacé Nicolas Sarkozy, au lendemain de l’exécution de l’otage français. La France amnésique, a oublié que l’Algérie avait, à maintes reprises, lancé des alertes sur le caractère transnational du terrorisme. Peu d’Etats de la communauté internationale ont prêté une oreille attentive aux mises en garde d’Alger. Paris se voit maintenant contraint de parer au plus pressé faute d’avoir su ou voulu anticiper sur les évènements. La France a ainsi fait classé à la rubrique « pertes et profit » la libération de l’agent des services français, Pierre Camatte obtenue contre la libération de quatre terroristes par le Mali, doublée du versement d’une rançon se chiffrant en millions d’euros. « Nous allons poursuivre et renforcer notre lutte contre Aqmi », a suggéré, vendredi le chef de la diplomatie française, Bernard Kouchner, confirmant par ailleurs ce qui était un secret de Polichinelle la présence militaire française dans certains pays de la région. «  Nos militaires forment déjà des forces d’intervention locales », a-t-il avoué, admettant qu’ « il est essentiel qu’il y ait une collaboration plus étroite entre les pays de la région ». Tout n’est pas parfait, selon Bernard Kouchner qui souligne la nécessité de faire « des progrès dans la mutualisation des moyens » pour faire face aux menaces terroristes qu’il qualifie d’« inquiétantes ». Inquiétantes les menaces, elles le sont en grande partie et la France tout autant que certains pays occidentaux en porte la lourde responsabilité en ce sens qu’ils ont encouragé les groupes terroristes dans leur sale besogne durant la décennie noire en isolant du reste du monde un pays qui faisait face, seul, aux terroristes islamistes. L’effet boomerang est à méditer pour ceux qui ont cru être à l’abri de l’activisme de l’Aqmi ou de tout autre groupe terroriste qui font fi des frontières géographiques.
Le Midi Libre, 1/8/2010

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