La nécessité des think tanks

A quoi servent les think tanks ? A réfléchir. Le Maroc, apprend-on, dispose de neuf centres consacrés à la réflexion. Il serait, de loin, en avance sur les autres pays maghrébins. Mais pourquoi réfléchir ? Pour éviter des erreurs, explorer des pistes, agir en connaissance de cause. Nos dirigeants disposent-ils, en Algérie, de think tanks ? Il faut bien le croire. Ce sont généralement des conseillers, permanents ou occasionnels, nationaux ou étrangers. On les consulte, ils étudient les questions qui leur sont soumises, et donnent leur avis, en un mot comme en cent. Cela se passe dans une grande discrétion. Ils disposent d’un pouvoir d’influence certain sur les décideurs, et il n’est pas rare qu’ils finissent eux-mêmes par occuper officiellement des postes de décision – est-ce pour cela qu’ils sont si discrets ? Tous les gouvernants ont des conseillers, la pratique n’est pas nouvelle, alors que celle des think tanks l’est. Son origine est américaine, elle s’est répandue lors de la Seconde Guerre mondiale, mais désigne une réalité plus ancienne : en période de guerre, selon l’encyclopédie wikipedia, le terme était utilisé pour désigner la pièce dans laquelle se réunissait l’état-major pour planifier la stratégie de combat. C’est dire la vocation et l’importance de ces centres de réflexion. En réalité, elles servent moins à éclairer les pouvoirs qui les emploient qu’à relayer leurs politiques par médias interposés. Le cas du Maroc est éloquent : il puise dans ses think tanks les arguments et les instruments nécessaires à sa politique annexionniste du Sahara occidental et à ses accusations répétées de l’Algérie, coupable de bloquer l’unité maghrébine. On assiste régulièrement à ce type de propagande que développent des «experts» grassement payés par le royaume et diffusés dans des medias acquis à sa cause, à l’instar de Jeune Afrique ou Al Jazeera. L’Algérie a tort, naturellement, de ne compter que sur les militants de bonne volonté soucieux de justice et d’humanisme pour riposter aux campagnes récurrentes menées sous l’instigation des voisins. Pour étendre la problématique à d’autres niveaux, on voit bien la virulence de ces campagnes lorsqu’il s’agit de politiques économiques comme celles de la loi de finances 2010, et leur impact sur l’opinion des Algériens eux-mêmes – ou plus exactement des élites médiatiques algériennes. Les think tanks sont, par- delà leurs frontières géographiques, solidaires entre eux. Ainsi, le célèbre Amadeus n’est pas marocain, bien que créé au Maroc et parrainé par lui. Ses «analyses» sont d’une pertinence et d’une objectivité telles qu’elles rendent à ce pays d’énormes services, puisque elles l’éclairent sur la manière dont les politiques algériennes sont conçues et menées en matière de gaz par exemple. La crainte de voir émerger en Algérie des espaces de débats et de réflexion qui échapperont à tout contrôle explique sans doute pourquoi le pouvoir ne ressent pas le besoin de les favoriser. Mais il faut bien que, un jour ou l’autre, la communication se modernise chez nous, ne serait-ce que pour accompagner la modernisation en cours.
Par Aïssa Khelladi

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