Maroc : Sale temps pour les chrétiens

Dénonciations sur Internet, expulsions, harcèlement , il ne fait plus bon d’être chrétien au royaume chérifien.
Signe d’une tension remarquée ces derniers mois contre la communauté chrétienne au Maroc, l’étau s’est resserré, cette fois, sur les chrétiens marocains d’origine musulmane. Trente-deux d’entre eux ont eu la mauvaise surprise de voir leur photo publiée, ces derniers jours, sur facebook, ainsi que de nombreuses informations les concernant, comme leurs nom, adresse, leur activité dans l’église et des anecdotes personnelles. Les islamistes sont soupçonnés d’être à l’origine de cette page sur facebook. Leur but est d’inciter le gouvernement à s’en prendre aux chrétiens. Certains d’entre eux ont déjà été interrogés par la police et même menacés de mort. Nombre d’entre eux ont cessé de se réunir, craignant pour leur sécurité.
Plusieurs auraient été chassés de chez eux. Jusqu’à récemment, les chrétiens du Maroc bénéficiaient d’une certaine liberté. Mais depuis mars dernier, les choses sont en train de changer. Sans préavis, le pays a expulsé une centaine de chrétiens étrangers, les accusant de prosélytisme. Au début du mois de mars, au moins vingt collaborateurs de longue date d’un orphelinat évangéliste ont été expulsés du pays qu’ils considéraient comme le leur. Ils travaillaient pour le Village de l’Espérance de Aïn Leuh, au Maroc. « Ce n’est pas une campagne contre les chrétiens au Maroc, justifie Khalid Naciri, le ministre de la Communication. C’est une opération ciblée pour faire respecter la loi : tout le monde sait que le prosélytisme religieux est interdit au Maroc. » Selon de nombreux observateurs, en expulsant les travailleurs sociaux de Aïn Leuh, le gouvernement aurait voulu courtiser les islamistes, dont le discours rejette les non-musulmans. L’Etat tente ainsi de couper l’herbe sous le pied des fondamentalistes.

Le revirement

Selon certaines sources, après le 11 septembre 2001, le pouvoir marocain aurait fermé les yeux sur la présence de missionnaires évangélistes américains en échange d’un soutien de Washington concernant le dossier du Sahara occidental. A Rabat, on confirme qu’en 2005, le Maroc a invité des personnalités évangéliques américaines pour qu’elles « changent de position sur le Polisario, pour parler de l’Islam et construire un dialogue interreligieux ». Mais depuis peu, les choses se sont inversées. Les islamistes du Parti pour la justice et le développement (modéré) et des associations islamistes s’insurgent de plus en plus contre l’activisme chrétien.
En janvier dernier, un nouveau ministre de l’Intérieur a été nommé par Mohammed VI : il semble avoir décidé d’enfourcher la défense du culte musulman, cause très populaire dans le royaume. Une situation qui n’est pas sans rappeler celle existant en Algérie, où un lieu de culte chrétien, appartenant à la communauté protestante pentecôtiste Tafat (lumière) de Tizi Ouzou, avait été saccagé puis incendié dans la nuit du 9 janvier dernier par un groupe d’individus. La position officielle du Maroc est que 98% de la population marocaine est musulmane. Le prosélytisme est illégal au Maroc, ainsi que la conversion des musulmans.
Cependant, les chrétiens étrangers peuvent pratiquer leur religion librement et il existe encore de nombreuses églises, principalement de l’époque coloniale française. L’infime minorité juive est, elle, autochtone et jouit également de la liberté de culte. Plusieurs organisations évangélistes américaines se sont installées dans le pays depuis 2002. Selon les médias locaux, quelques centaines de Marocains se seraient convertis depuis leur arrivée. Selon l’organisation World Christian Database (WCD), le christianisme est désormais la religion au taux de croissance le plus élevé au Maroc. Son rapport avance, par ailleurs, que parmi les chrétiens marocains, 80% sont protestants.
La loi marocaine punit le délit de prosélytisme de six mois à trois ans de prison et une amende de 100 à 500 dirhams (1000 à 4500 DA). Malgré les garanties de liberté de culte, il semble que le gouvernement marocain ait adopté une approche plus vigoureuse contre le prosélytisme, aussi bien réel que perçu avec le risque, pour le Maroc, de perdre un peu de son image de pays tolérant.

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