SOMMET FRANCE-AFRIQUE : Bouteflika impose la voix de lAfrique

«LAfrique ambitionne de sortir de son statut actuel de puissance potentielle pour parvenir à celui de nouveau pôle de développement», a lancé hier le président Abdelaziz Bouteflika dans son discours douverture au sommet France-Afrique qui sest ouvert à Nice. LAfrique est digne et déterminée à prendre en main ses destinées. Tels sont les mots clés dun homme qui a contribué à la création du NEPAD et qui, aujourdhui, dans le cadre de la globalisation, veut encore inciter le continent noir à être un partenaire incontournable vis-à-vis des institutions mondiales qui président aux destinées de lhumanité. «Avec 53 Etats et un milliard dhabitants, le continent africain ne saurait demeurer en marge des processus décisionnels internationaux et se contenter, en observateur, den subir passivement les conséquences fâcheuses», a encore dit Bouteflika avant denchaîner : «LAfrique sestime en droit de plaider en faveur dun élargissement du G20 qui, à linstar dautres régions du monde, va au-delà de lintégration, aussi bien de certains de ses membres que de ses institutions, comme lUnion africaine et le Comité des chefs dEtat et de gouvernement pour lorientation du NEPAD».
Le mot dordre du Président est tout à fait clair. Comme nous le disions il y a quelques jours à
loccasion de la Journée de lAfrique, célébrée par M. Medelci, ministre des Affaires étrangères : avec la fin de la guerre froide et la disparition des blocs, lAfrique devrait constituer un pôle incontournable dans le monde, après avoir réglé les problèmes dordre sécuritaire qui subsistent encore dans quelques régions. Pour plusieurs raisons, la participation du président algérien est importante et son discours tombe à point nommé. En premier lieu, la politique, à quelques exceptions près, de la chaise vide na jamais été une stratégie porteuse. En second lieu, léchec, suite à des mésententes, dautres tentatives dunions régionales, est consommé. La plus importante des raisons est lémergence de ce continent, vidé de ses richesses naturelles au nom parfois du diktat des institutions financières internationales. Si le Président na pas parlé de laspect historique, nous pouvons le dire en quelques mots. Il se résume à «la France amie de lAfrique», politique pensée par De Gaulle dès 1958 et mise en oeuvre par son homme de main Jacques Foccart dont le rôle consistait à mettre en place un système de dépendance intégrale des anciennes colonies africaines en vue de conserver un cortège dÉtats clients bradeurs de leurs matières premières stratégiques. Mais les temps ont changé, aussi bien en France quen Afrique. De lautre côté de la Méditerranée, lAfricain qui idéalisait de vivre sous les cieux de la République française, terre daccueil, a été nourri par des phrases rocardiennes du genre : «La France ne saurait accueillir toute la misère du monde.» Bien évidemment, la France na jamais accueilli les misères du monde, et ce pays, ami de lAfrique, reste le plus fermé de lEurope. Il est parmi les rares pays qui ne contribuent plus aux aides humanitaires promises ni aux aides au développement des pays pauvres… En revanche, il a une grande responsabilité dans la succession des crimes contre lhumanité et de génocides quil a couverts en Afrique, ou parfois agencé, selon François-Xavier Verschave, spécialiste des relations franco-africaines. Dès lors, le plaidoyer du président algérien incitant les Africains à se constituer en un bloc davenir, au-delà des spécificités et des divergences politiques de chaque pays, est sans doute la clé pour un épanouissement sûr des Africains.
Samir Méhalla
Le Journal Indépendant , 1 juin 2010

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