Indépendance : c’est le peuple qui décide

Fenua – Politique
STATUT. “Si nous gagnons ces élections, on ne cherchera pas d’autre tribune, on déclarera le Pays indépendant et souverain”, lançait Oscar Temaru il y a deux jours à Nouméa. C’est oublier que ce choix revient à la population au terme d’un long processus. Pourquoi ? Réponses.

L’ESSENTIEL
L’article 53-alinéa 3, de la Constitution dispose que “Nulle cession, nul échange, nulle adjonction de territoire n’est valable sans le consentement des populations intéressées”
La Polynésie ne pourra obtenir son indépendance que par voix de référendum
Pour Donatus Keith St Aimée, le président du Comité des 24, “la discussion doit rester dans les mains des populations concernées”

Qui peut décider de l’indépendance de la Polynésie ?
N’en déplaise à Oscar Temaru, il faudra bel et bien en passer par un référendum d’autodétermination, car c’est la population qui, en la matière, doit décider. C’est la base de l’article 53-alinéa 3, de la Constitution (“Nulle cession, nul échange, nulle adjonction de territoire n’est valable sans le consentement des populations intéressées”). Un principe que rejoint Donatus Keith St Aimée, le président du Comité des 24. Les Nouvelles Calédoniennes l’ont interrogé hier et à la question “les indépendantistes demandent l’aide de l’ONU, que pouvez-vous leur apporter ?” il a répondu : “C’est une erreur que beaucoup d’entre nous commettent au moment de décider de leur avenir. Mais un expert venu de l’extérieur ne peut pas vous dire ce que sera votre futur. Vous vivez ici, vous savez d’où vous venez, ce que vous avez traversé et où vous voulez aller. Cela doit se faire entre vous. Le travail d’un expert, c’est de vous permettre éventuellement de partager les points de vue à travers d’autres exemples. Mais la discussion doit rester dans les mains des populations concernées.”
Le référendum d’autodétermination, comment ça marche ?

Une consultation de la population de Polynésie française sur l’avenir institutionnel du Pays est soumise à une procédure. Rien, dans la Constitution française, n’empêche une collectivité d’outre-mer d’accéder à l’indépendance. Une seule condition tout de même : la demande doit émaner de la population en question ou de son assemblée délibérante, en l’occurrence l’assemblée de la Polynésie française. Dès lors que la requête a été effectuée, elle est étudiée par le Parlement français. Si ce dernier émet un avis favorable, le processus d’autodétermination est mis en route. Il s’agit pour le gouvernement français d’organiser les modalités du référendum par lequel la population peut manifester ou non son désir de s’émanciper de l’État. Si la réponse au référendum est positive, plus rien n’empêche le transfert de souveraineté. Des accords de coopération sont généralement maintenus. Une collaboration étroite entre les deux parties est en effet généralement nécessaire pour effectuer de manière progressive cette accession à l’indépendance.

Ce référendum d’autodétermination, pourquoi Oscar Temaru ne l’a t-il pas demandé lorsqu’il était au pouvoir ?
Tout simplement parce que le leader indépendantiste savait pertinemment qu’il n’obtiendrait pas la majorité des voix. En l’état actuel des choses, plus de 50% des électeurs ne sont pas favorables à l’indépendance comme l’ont démontré les élections depuis mai 2004. À chaque fois, l’addition des voix autonomistes s’est avérée plus élevée que celles du Tavini et d’autres petits candidats indépendantistes. Pour préparer le Pays et la population à l’indépendance, Oscar Temaru doit donc bénéficier de temps, tout en dirigeant le Pays pour tenter de l’orienter vers l’indépendance économique, passage obligé avant son indépendance politique comme il l’a admis bien volontiers à plusieurs reprises. Toutefois, il semble s’impatienter de plus en plus.
Pourquoi Oscar Temaru réitère-t-il ses demandes d’inscription de la Polynésie française sur la liste onusienne des pays à décoloniser ? Qu’est-ce que cela change ?

À chaque fois qu’Oscar Temaru a une tribune internationale, comme le Forum des îles du Pacifique, ou mieux encore ces derniers jours avec le “Séminaire régional pour le Pacifique sur la décolonisation” qui vient de se terminer à Nouméa, il a demandé la réinscription de la Polynésie française sur la liste du “Comité des 24” de l’Onu qui recense les “pays à décoloniser”. En fait, ce sont les “territoires non autonomes” selon la terminologie onusienne. Placé par la France sur cette liste lors de sa création en 1946, les “Établissements français de l’Océanie”, tout comme la Nouvelle-Calédonie, en furent retirés par la France dès l’année suivante. Sous l’impulsion de Jean-Marie Tjibaou, le leader indépendantiste kanak, la Nouvelle-Calédonie a été réinscrite sur cette liste en 1986. Au-delà de sa portée symbolique et même si ces dernières années, les résolutions des Nations unies restent souvent lettre morte, l’organisation demeure le passage obligé pour qui veut se faire entendre par la communauté internationale. Depuis 1946, plus de 80 anciennes colonies ont accédé à l’indépendance ou se sont associés librement à un État indépendant. Il reste 16 “territoires non autonomes” sur cette liste (le Sahara occidental, Pitcairn, les Samoa américaines, Gibraltar…) et la Polynésie française n’en fait toujours pas partie malgré les efforts répétés d’Oscar Temaru.
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