Comment éviter une situation de domination abusive des holdings royaux ?

Il faut le dire
Par Ahmed R. Benchemsi

 Comment éviter une situation de domination abusive des holdings royaux ? En fait, il ny a plus moyen, le mal est
déjà fait.
A lannonce de la méga-fusion ONA-SNI (TelQuel n°418), jécrivais dans ces mêmes colonnes : Lenchevêtrement en cascade des holdings royaux, système complexe de contrôles croisés plus ou moins majoritaires& tout ça, cest fini. Clarté et simplicité : cétait, nous disaient les managers de la fortune de Mohammed VI, la finalité de lopération. Un mois plus tard, loi oblige, les notes dinformations
boursières ont été rendues publiques(*). Jadmets, humblement, que je métais trompé sur toute la ligne. Non seulement lécheveau des sociétés royales est toujours en place mais, à la stupeur générale, on découvre quil est encore plus complexe et enchevêtré quon ne le pensait. Au sommet de lempire, là où les avoirs de la famille royale sont centralisés, il ny a pas trois entités (Siger et Ergis, via Copropar), mais& neuf !! Siger, Ergis et Copropar, mais aussi Providence Holding, Unihold Holding, Yano Participation, Star Finance, Group Invest et SAR Invest (SAR signifiant probablement Son Altesse Royale). Où sont domiciliées ces sociétés nouvelles (du moins, nouvelles pour lopinion publique) ? Au Maroc ou à létranger ? Qui détient quoi dans cet obscur enchevêtrement ? Seul Dieu et les concernés le savent. Il y a un mois, jécrivais aussi que la sortie de Bourse de lONA et de la SNI signifiait la fin de la transparence sur les affaires royales. Vu ces nouvelles révélations, je corrige : avant même que la radiation de la Bourse ne soit effective, lopacité est déjà là, et bien là !
On va nous dire : En quoi ça vous regarde ? Tout ça, ce sont des affaires privées, vous navez pas à en connaître les détails. Jose prétendre que si, et voici pourquoi : quil y ait 3, 9, ou 36 sociétés intermédiaires entre la famille royale et le groupe ONA-SNI, cela concerne intimement les Marocains. Parce que, in fine, ces sociétés appartiennent, de près ou de loin, au chef de lEtat, qui se trouve être aussi le premier entrepreneur du royaume. Et aussi parce que le triomphe de cet empire économique est largement dû à lidentité de son propriétaire, et au formidable levier de négociation que cette identité induit&
Certaines vérités, à un moment, doivent être dites. En voici une : tout cela est foncièrement anormal. Les hommes daffaires marocains le pensent mais nosent pas le dire (à une exception près, celle de Miloud Chaabi) : un chef dEtat na pas à faire des affaires en concurrençant ses propres sujets dautant plus que son pouvoir est, là comme ailleurs, absolu. Il y a manifestement conflit dintérêts. Ladministrateur en chef (si ce nest lingénieur) de cette structure tentaculaire de participations royales, sappelle Mohamed Mounir Majidi. Il se trouve quil est aussi le secrétaire particulier du monarque et quil est payé, à ce titre, sur les deniers publics. Quel mélange des genres est-ce là ?! Comment, dans ces conditions, éviter une situation de domination abusive ? En fait, il ny a plus moyen, le mal est déjà fait. Et plus ça va, plus cela devient inquiétant.
Quil sagisse de son empire économique officiel, ou dautres business privés que nous ne connaissons pas, Mohammed VI ne se mêle pas dintendance, disent ses proches. On les croit volontiers. Diriger un pays doit être une tâche suffisamment absorbante. Le roi délègue donc, et laisse faire ses lieutenants. Mais ces derniers sont en train dusiner un ogre capitalistique aussi effrayant quinvincible à labri des regards, de surcroît, puisque la transparence boursière ne sera bientôt plus de mise. Tout cela nest pas nouveau, et on a fini par sy habituer. Mais on ne devrait pas. Cest en shabituant à des situations anormales quon fait le lit des dérives. Sur le plan économique, la dérive est déjà en marche. Seul Dieu (et même pas les concernés, cette fois) sait où cela peut mener notre pays& 
TEL QUEL, 22 mai 2010

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