Pourquoi une «large autonomie» ?

Ce qu’on peut dire sans trop se tromper, c’est que Madrid n’est plus neutre et recentre quelque peu sa position sur le Sahara occidental, laissant à Paris le monopole de son parti pris pour le Maroc.
M. Z. (mohamed_zaaf@yahoo.fr)
Le Maroc a fatalement pris le goût aux dialogues territoriaux après celui engagé voilà près de 35 ans avec les Sahraouis du Polisario. Maintenant, il invite Madrid à discuter de choses plus raisonnables, de Ceuta et Melilla, et voir comment on pourrait les faire classer aux Nations unies et auprès de l’AIPAC comme des territoires à décoloniser. Madrid, bien sûr, ne l’entend pas de cette oreille et se met à son tour à chanter à tue-tête l’affligeant refrain du makhzen sur la souveraineté et l’intégrité territoriale. Abbas El Fassi aurait-il déjà perdu de vue les étreintes convaincues dispensées par Madrid et l’Europe en guise de remerciements à la micro-marche verte marocaine sur le rocher Persil ? Fort peu probable ! Qu’y a-t-il alors de changé pour que Rabat ose, à un moment où l’Espagne préside l’UE, cette puissante organisation européenne qui vient d’accorder au trône alaouite un statut de privilégié comme pour Israël ? Ce qu’on peut dire sans trop se tromper, c’est que Madrid n’est plus neutre et recentre quelque peu sa position sur le Sahara occidental, laissant à Paris le monopole de son parti pris pour le Maroc. Face à la nouvelle situation dégagée par les derniers débats onusiens sur le dossier sahraoui, Rabat adopte une démarche qui semble s’inspirer d’un vieux dicton maghrébin : «Gronde-le pour le son, il en oubliera l’orge». Rabat brandit ses vieilles revendications sur Ceuta et Melilla, pour aider Madrid à se corrige, et, comme on dit, «revenir sur le bon chemin» concernant le Sahara occidental. Mais Rabat penserait-il à aller titiller la quiétude de l’ombrageuse Espagne et à déplaire à l’actuel président de l’Europe, sans appui, sans garantir ses arrières ? Et qui d’autre que Paris peut tenir le rôle du comparse et maintenir son appui au Maroc même lorsqu’il singe les méfaits d’Israël ? Paris n’a-t-il pas empêché la protection des droits humains pour protéger un pouvoir qui redoute les consultations plus que les ADM ? Mais pourquoi le trône n’accepterait-il pas une large autonomie à Ceuta et Melilla si Madrid la proposait ? Rabat ne croit-il pas que les populations qui y vivent une gouvernance ibère depuis 500 ans seraient comme celles d’Ifni, heureuses de plonger enfin dans les bras du Makhzen ?
Le Jeune Indépendant, 20 mai 2010


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