Paris met son veto à la surveillance des droits de lhomme

La France sest jetée de tout son poids dans la bataille engagée depuis la mi-avril au Conseil de sécurité pour que le mandat de la Minurso ne soit pas élargi à la question de la surveillance des droits de lhomme au Sahara occidental.
Paris a fait mieux en faisant inscrire, en son nom propre, dans le préambule de la Résolution 1920 adoptée samedi par lorgane suprême des Nations unies, que le «plan dautonomie» marocain constitue «une bonne base» pour un cinquième round des négociations entre Rabat et le Front Polisario en vue dune solution définitive au conflit du Sahara occidental.
Limpasse est faite sur la légalité internationale et le droit du peuple sahraoui à lautodétermination soutenue par les Nations unies.
Lattitude du gouvernement français na pas surpris, ni choqué dailleurs, le Front Polisario et les partisans de la cause sahraouie, parmi lesquels les associations des droits de lhomme dans le monde, qui avaient espéré quenfin un organisme international (la Minurso) puisse assurer sur le terrain la protection des populations sahraouies des violations dont elles sont lobjet depuis loccupation militaire de leur territoire par le Maroc.
Elle vient confirmer, en fait, une évidence. Tout le monde savait quant à lengagement inconditionnel de la France aux côtés du Maroc avec notamment la complicité du gouvernement espagnol de José Luis Zapatero pour imposer une solution qui soit conforme aux thèses marocaines et, bien évidemment, aux intérêts géostratégiques français au Maghreb.
Jeudi à New York, les journalistes qui suivaient de près la question du Sahara occidental étaient quasiment sûrs que la réunion du Conseil du sécurité de lONU sortirait, le week-end, avec une nouvelle résolution qui se limiterait à inviter les deux parties en conflit, le Front Polisario et le Maroc, à continuer de négocier une solution politique au conflit sahraoui sur la base du plan marocain.
Ce que la France cherchait à imposer depuis la mi-avril aux quinze membres du Conseil de sécurité qui, la veille du vote sur le nouveau mandat dune année de la Minurso, étaient encore loin davoir fait le tour de la question sur la surveillance par cette institution des droits de lhomme dans lancienne colonie espagnole.
Elle a partiellement réussi sa manSuvre puisque, malgré lopposition à son initiative parmi la grande majorité des 15 membres du CS du moins les nombreuses réticences elle a pu obtenir à lusure un faux consensus autour de la Résolution 1920.
Les manSuvres de Sarkozy
Sans surprise donc, le principal et traditionnel soutien du Maroc dans le conflit sahraoui a usé de son influence une manière de brandir son droit de veto parmi les pays membres permanents du Conseil de sécurité en vue dentraîner les «cinq grands» vers la position de statu quo qui dure depuis loccupation du territoire sahraoui par le Maroc, en 1975. Lattitude de Paris serait à lorigine des divisions, jeudi, sur la question de cet élargissement des prérogatives de la Minurso, demandée par le Front Polisario et à laquelle soppose le Maroc.
Se référant à des «sources diplomatiques», lagence de presse Efe avait rapporté quun certain nombre de pays non-permanents du Conseil de sécurité avaient appuyé la formule avancée par le Mexique, un pays qui reconnaît la RASD, adressant un appel au Maroc et au Front Polisario pour coopérer avec la Haute Commissaire du HCR, Mme Navi Pillay, sur lexamen de la question des violations des droits de lhomme.
Le mouvement sahraoui avait déjà exprimé cette disposition en invitant le HCR à enquêter à ce sujet au Sahara occidental et dans les camps de réfugiés de Tindouf. Pas le Maroc qui continue de rejeter cette initiative tout en faisant campagne autour de la supposée «séquestration des frères de Tindouf». Même ce compromis, Paris est parvenu à le faire évacuer du débat.
En raison de lintransigeance de la France, les négociations au Conseil de sécurité navaient pas avancé vers quelque chose de nouveau comme cest le souhait de la communauté internationale, choquée par les violations flagrantes des droits de lhomme au Sahara occidental.
Des pays non membres permanents du Conseil de sécurité ont dû constater le poids de Paris visant à perpétuer linflexibilité des «cinq grands» sur la question sahraouie.
Pour le représentant du Front Polisario à New York, Ahmed Boukhari, il va de soi que lobstacle majeur dans les négociations dune résolution prenant en charge la question des droits de lhomme par la Minurso, cest la France qui rame à contre courant de la volonté internationale. Paris est discrètement appuyée par le gouvernement Zapatero qui est fréquemment rappelé à lordre par la société civile et les députés espagnols à cause de linclinaison vers les thèses marocaines.
La complicité de Zapatero
Ce fut encore le cas jeudi au moment où les débats au Conseil de sécurité sintensifiaient, avec la motion votée à lunanimité par le congrès des députés où le Parti socialiste au pouvoir a rappelé ses «engagements» au gouvernement espagnol qui assure actuellement la présidence tournante de lUnion européenne de «se préoccuper auprès des autorités marocaines du sort des sept indépendantistes sahraouis (le septième est une femme qui a été libérée par Rabat, en janvier dernier pour raison de santé) et intensifier ses actions diplomatiques à cet effet».
Les députés espagnols ont également appelé le Maroc à libérer les six indépendantistes sahraouis incarcérés à la prison de Salé à leur retour, en octobre 2009, dun séjour dans les camps de réfugiés de Tindouf et de respecter pleinement les droits de ces prisonniers ainsi que la dignité et la sécurité de leurs familles.
La motion considère que «le respect des droits de lhomme et le dialogue entre les parties (le Maroc et le Front Polisario) contribueront à la recherche dune solution politique juste, durable et mutuellement acceptable qui prévoit la libre autodétermination au Sahara occidental».
Récemment, la première vice-présidente du gouvernement espagnole, Mme Maria Teresa de la Vega, dont la position sur la question du Sahara occidental est autrement plus en recul par rapport aux thèses marocaines que celle défendue par M. Moratinos, ministre des Affaires étrangères, avait plaidé auprès de Ban Ki-moon pour la surveillance des droits de lhomme au Sahara occidental.
Le SG de lONU avait, pour sa part, assuré le président Mohamed Abdelaziz de son soutien au droit à lautodétermination du peuple sahraoui et de sa «préoccupation» pour les droits de lhomme dans lancienne colonie espagnole. La résolution que propose de voter le Conseil de sécurité reflétera-t-elle les aspects-clés du problème sahraoui ?

Le Temps d’Algérie

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*