Par Zhor Chérief
Le dernier rapport du secrétaire général des Nations unies sur le Sahara occidental s’apparente vraisemblablement à un coup de force contre le droit du peuple sahraoui de choisir librement son destin.
Sous le numéro S/2010/175, le document de Ban Ki-Moon, daté du 6 avril 2010 et transmis pour examen au Conseil de sécurité de lONU, frôle la partialité. Etrangement, il met dos à dos loccupant et le colonisé, usant dambiguïté pour gommer le caractère colonial de la question sahraouie, tentant de réduire à néant tout le capital sympathie gagné, notamment durant lannée 2009, par le peuple sahraoui et son représentant légitime, le Front Polisario. Lexamen détaillé du document du secrétaire général fait ressortir des omissions voulues sur certaines «mesures» jugées «provocatrices et préjudiciables», qui ont été prises par les deux parties au conflit, le Maroc et le Polisario (§ 15). Ban Ki-Moon aurait dû préciser les mesures prises par le Polisario, dans le contexte des pourparlers informels, parce quà linverse du mouvement de Libération nationale sahraoui, les mesures adoptées par Rabat sont connues : répression généralisée contre la population sahraouie civile des territoires occupés, arrestations et emprisonnements, tortures et procès iniques, disparitions et expulsions. Sur un autre plan, le rapport utilise un neutralisme qui ne trompe personne, puisquil procède à des assimilations faites par les Marocains, les Français et leurs relais médiatiques respectifs. En effet, il aligne côte-à-côte le Front Polisario et «lappui de lAlgérie» (§ 17), refusant dapporter léclairage, qui lui incombe en sa qualité de haut responsable de lONU, sur le processus de décolonisation et le jeu trouble de certains membres du Conseil de sécurité, qui incitent loccupant marocain dans la voie des hors-la-loi. De manière suggestive, le rapport de Ban Ki-Moon reproduit également les critiques marocaines à légard de lAlgérie et du Haut Commissariat aux réfugiés (HCR), sans les accompagner dexplications nécessaires. Il est en outre souligné que chacune des parties au conflit sest «à des degrés divers» intéressée à la proposition de lautre, avant daller vers la mise en avant des «positions mutuellement exclusives» du Maroc et du Polisario (§ 20). A aucum moment, le secrétaire général na jugé utile de rapporter les faits tels quils se sont présentés ni de rappeler que cest seulement le Front Polisario qui a vraiment coopéré sur le terrain des négociations et accepté dinclure la proposition dautonomie de Rabat (davril 2007) parmi les autres options existantes, afin daller vers lorganisation dun référendum dautodétermination. Dans ce cadre, Ban Ki-Moon aurait pu préciser aussi que le Maroc a confondu la reprise des négociations avec une démarche qui lui était conquise davance, en rejetant la proposition sahraouie (davril 2007) et en sen tenant à sa seule et unique offre (plan dautonomie). En agissant de la sorte, le secrétaire général de lONU, sciemment ou inconsciemment, fait écho à une certaine stratégie favorisée par Rabat et certains de ses alliés, principalement français, qui pousse à limposition de la souveraineté du royaume du Maroc sur le Sahara occidental, ainsi quau recul plus grand de lONU, en matière de règlement du dossier de la dernière colonie dAfrique.
Réduction du concept des droits de lhomme
Une des nouveautés dans le rapport de Ban Ki-Moon, cest que celui-ci consacre une bonne partie à la situation des droits de lhomme au Sahara occidental. Non seulement il place lagresseur et lagressé sur le même pied dégalité, mais il sattache également à énoncer que les deux belligérants se sont «mutuellement» accusés de commettre des violations et se sont plaintes (§ 12 et 16). Ainsi, le document du secrétaire général ignore tous les appels et tous les écrits dénonçant les atteintes aux droits humains par les forces doccupation marocaines, qui émanent de certains Etats, des personnalités et des juristes internationaux, de parlementaires et délus, dassociations, dorganisations internationales et des médias internationaux. Concernant les «plaintes» formulées par le Front Polisario, Ban Ki-Moon ne tient pas à signaler que celles-ci se basent sur des faits concrets, appuyés à léchelle internationale. De plus, il ne parle pas des suites qui ont été réservées (ou qui seront réservées) aux correspondances du Polisario, après leur enregistrement et leur transmission au Haut-commissariat des Nations unies aux droits de lhomme.
Sur un autre plan, le rapport, à moins dune erreur de traduction (de langlais vers le français), use abusivement du conditionnel en rapportant des faits qui se sont pourtant produits, relatives aux violations des droits de lhomme dont sont victimes les Sahraouis des territoires sous occupation marocaine (§ 60) et au cas de jeunes sahraouis arrêtés et empêchés, par Rabat, alors quils allaient se rendre au Royaume-Uni, sur invitation. Il demeure surtout silencieux sur la campagne internationale de dénonciations de loccupation marocaine et ses répercussions sur les plans des violations des droits de lhomme et du pillage des ressources naturelles du Sahara occidental. Pire, le rapport de Ban Ki-Moon sadosse sur les informations livrées par les «autorités marocaines et (les) médias marocains», qui attestent que la question des droits humains est instrumentalisée par le Front Polisario «en vue de détourner lattention des véritables questions au centre des négociations». Et le secrétaire général de lONU, quen pense-t-il de tout cela ? Aucune réponse ni précision ne sont données. Par contre, le rédacteur du rapport reconnaît très justement que lONU «ne dispose pas sur le terrain de personnel expressément chargé de veiller au respect des DH» et que la Mission onusienne pour un référendum au Sahara occidental (Minurso) nest pas «dotée dun mandat précis en matière de DH» (§ 59). Il soutient même que lONU «est consciente du devoir qui lui incombe de faire respecter les normes relatives aux DH». Seulement ces arguments sont battus en brèche plus loin. En effet, Ban Ki-Moon marque un recul, en remplaçant le «devoir» de lONU par son «intérêt» (§ 76) de «promouvoir le respect des normes internationales relatives aux droits de lhomme». Par ailleurs, au lieu de consolider la responsabilité de lONU dans la protection du peuple colonisé du Sahara occidental, principalement les Sahraouis exposés directement à la machine infernale de loccupation, qui vivent dans les territoires occupés du Sahara occidental et au Maroc, le rapport presse lONU et lensemble de la communauté internationale de «veiller à ce que chacune des parties au conflit comprenne ses responsabilités.»
Urgence de purifier la sphère des «mutuellement»
La première remarque qui vient à lesprit, en lisant le chapitre sur les observations et les recommandations, cest que celui-ci semble déconnecté de la plupart des événements rapportés dans le rapport du secrétaire général de lONU et des préoccupations émises par ce dernier. Le document utilise plus de 12 fois lexpression «territoire», alors quil traite du territoire du Sahara occidental, qui figure dans la liste des «territoires non autonomes» des Nations unies. En plus clair : lONU reste toujours responsa
ble pour mener à terme la décolonisation de lex-colonie espagnole. Plus grave, Ban Ki-moon néglige démesurément le but assigné aux négociations maroco-sahraouies. En effet, il recommande au Conseil de sécurité de redemander aux deux parties de «négocier de bonne foi et sans conditions préalables, sous les auspices de (son) envoyé personnel» (§ 73). Sans plus ! Plus loin, il soutient que son envoyé personnel, Christopher Ross, travaille pour «parvenir à une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable du conflit au Sahara occidental» (§ 79).
Cest tout ! Dans un cas comme dans lautre, le secrétaire général essaie deffacer lengagement pris, il y a quelques années, par le Conseil de sécurité de mener les négociations vers la voie prescrite par lONU, à savoir celle qui garantit le droit du peuple sahraoui à lautodétermination, à travers un référendum conforme, particulièrement à la Déclaration sur loctroi de lindépendance aux pays coloniaux et les résolutions de la IVe Commission de décolonisation de lONU.
Sur un autre registre, le rapport se saisit enfin de la «dimension humaine» du conflit (§ 75). Seulement, alors que lon sattendait, après adoption en 2009 de la résolution 1871 (du Conseil de sécurité), à la prise en charge de cette dimension humaine dans son intégralité, incluant même la question des violations des droits humains, Ban Ki-Moon vient au secours du Maroc et la retourne contre le peuple sahraoui : il la réduit au «sort des réfugiés» sahraouis. Cette façon de faire a fait dire à certains observateurs que Ban Ki-Moon veut à la fois «enterrer définitivement le rapport du Haut-Commissariat aux droits de lhomme de lONU (de 2006), qui accable loccupant marocain», et «conforter le Maroc et son allié inconditionnel français, qui sont opposés à la publication dudit rapport et à lextension du mandat de la Minurso aux questions des droits de lhomme». Mais, le lâchage des Sahraouis ne semble pas sarrêter à ce niveau, puisque le rapport abandonne entièrement la problématique de décolonisation et reprend à son compte une idée déployée par le Maroc qui consiste à comparer les réfugiés sahraouis à des «séquestrés» : Ban Ki-Moon demande ainsi de réfléchir «sérieusement à lidée de procéder à un recensement des réfugiés» et, plus grave, de mettre en Suvre un programme d«entretiens individuels» (§ 75). Que devient alors le dernier recensement du HCR, destiné à préparer le retour des réfugiés sahraouis au Sahara occidental sous occupation marocaine ? On se demande même sil sexprime sur les réfugiés sahraouis, en parlant de «représentants des camps de Tindouf» (§ 61). Jouant toujours sur la fibre des ambiguïtés et des amalgames, le rapport du secrétaire général entretient également la confusion sur le rôle de la Minurso (§ 78), le limitant pratiquement à l«indispensable (&) maintien du cessez-le-feu au Sahara occidental». Un rôle qui, pour rappel, est du ressort des Casques bleus. Pourtant, cest exclusivement sur cette base quil exhorte «donc» le Conseil de sécurité à proroger le mandat de la Minurso, dune année, jusquau 30 avril 2011. Question : si les Casques bleus ont pour mission de surveiller le cessez-le-feu instauré en septembre 1991, que doit faire la Minurso en attendant dorganiser le référendum dautodétermination du peuple sahraoui ? Cette question nous renvoie à lannée 2006 et au rapport accablant du Haut Commissariat de lONU des droits de lhomme sur la situation au Sahara occidental. Depuis cette époque, il était attendu que la Minurso, la seule force de paix des Nations unies ne disposant pas encore les compétences de protection de la population sahraouie des territoires sous occupation marocaine, prenne enfin en charge ce volet inquiétant. Le veto de la France en avait décidé autrement et semble avoir enfanté aujourdhui des petits.
En conclusion, le rapport du secrétaire général renie le caractère colonial de la question sahraouie et semble adhérer, ouvertement ou sous la contrainte, aux thèses marocaines sur la «marocanité» du Sahara occidental. Rien nest proposé en effet pour obliger le Maroc à rejoindre de nouveau les rails de la légalité internationale ou à se défaire de son attitude intransigeante et unilatéraliste.
Rien nest suggéré pour doter la Minurso dun mandat de protection et stopper la marche de la machine coloniale. Enfin, rien nest avancé pour parachever le processus de décolonisation au Sahara occidental.
Mais, on ne refait pas si aisément lhistoire dun peuple «colonial et colonisé» ; de plus, le Sahara occidental na jamais dépendu de la souveraineté du Maroc. A moins de viser leffondrement de lédifice onusien et de rechercher la guerre dans la région, il urge de purifier la sphère des «mutuellement», destinés ni plus ni moins quà certifier labandon officiel du droit du peuple sahraoui à lautodétermination.
Repères
En septembre 2008, Ban Ki-moon annonce le remplacement prochain de son envoyé personnel, Peter Van Walsum, et informe que le 5e cycle des négociations maroco-sahraouies se tiendra en «automne» 2008.
La nomination du successeur de Van Walsum, Christopher Ross, ne devient effective quen janvier 2009, en raison de lopposition marocaine. Le diplomate américain a pour mission de «parvenir à une solution politique durable et mutuellement acceptable, laquelle devrait assurer lautodétermination du peuple du Sahara occidental».
En novembre-décembre 2009, une grève de la faim de 32 jours est observée par la militante sahraouie des droits de lhomme, Aminatou Haidar, dans un aéroport espagnol de Lanzarote, après sa déportation par les Marocains, pour protester contre son expulsion dEl Ayoun, capitale occupée du Sahara occidental. La mobilisation est à son summum : la question sahraouie est mise sous les projecteurs de lactualité internationale. Laction pacifique du Prix de la Fondation américaine Kennedy a aussi le mérite de mettre à nu le régime de Rabat en matière de violations des droits de lHomme et suscite des clarifications dans la position espagnole. Une résolution est adoptée par le Parlement espagnol pour affirmer que le «statut définitif du Sahara occidental doit respecter la légalité internationale et être le résultat du libre exercice du droit du peuple sahraoui à lautodétermination, à travers lorganisation dun référendum, conformément à la Charte des Nations unies et aux résolutions du Conseil de sécurité». Le même texte plaide par ailleurs pour «lélargissement du mandat de la Minurso à la question des droits de lHomme au Sahara occidental».
Le discours sur «la régionalisation », prononcé par le roi Mohammed VI, le 3 janvier 2010, confirme léchec du soi-disant «plan dautonomie», mais vient annoncer une nouvelle stratégie, pour réoccuper le terrain perdu et recentrer le débat sur lautonomie du Sahara occidental.
La situation des droits de lhomme au Sahara occidental inquiète Christopher Ross.
Au cours du mois de janvier 2010, ce dernier, daprès El Pais, déclare devant le Conseil de sécurité que «la question des droits de lHomme occupera une place de choix dans le renouvellement du mandat de la Minurso, en avril prochain», que «le Conseil de sécurité va devoir soccuper de la question et la soutenir».
En mars 2010, lors de la visite de Christopher Ross au Maghreb, le roi du Maroc, Mohammed VI, déclare au médiateur onusien, à Rabat, que loption du référendum au S
ahara occidental est «définitivement écartée».
La question des droits de lhomme au Sahara occidental figure dans le dernier rapport du secrétaire général de lONU transmis au Conseil de sécurité, qui doit lexaminer et se prononcer, à la fin avril 2010, sur les suites à donner au dossier du Sahara occidental.
Z. C.
Sous le numéro S/2010/175, le document de Ban Ki-Moon, daté du 6 avril 2010 et transmis pour examen au Conseil de sécurité de lONU, frôle la partialité. Etrangement, il met dos à dos loccupant et le colonisé, usant dambiguïté pour gommer le caractère colonial de la question sahraouie, tentant de réduire à néant tout le capital sympathie gagné, notamment durant lannée 2009, par le peuple sahraoui et son représentant légitime, le Front Polisario. Lexamen détaillé du document du secrétaire général fait ressortir des omissions voulues sur certaines «mesures» jugées «provocatrices et préjudiciables», qui ont été prises par les deux parties au conflit, le Maroc et le Polisario (§ 15). Ban Ki-Moon aurait dû préciser les mesures prises par le Polisario, dans le contexte des pourparlers informels, parce quà linverse du mouvement de Libération nationale sahraoui, les mesures adoptées par Rabat sont connues : répression généralisée contre la population sahraouie civile des territoires occupés, arrestations et emprisonnements, tortures et procès iniques, disparitions et expulsions. Sur un autre plan, le rapport utilise un neutralisme qui ne trompe personne, puisquil procède à des assimilations faites par les Marocains, les Français et leurs relais médiatiques respectifs. En effet, il aligne côte-à-côte le Front Polisario et «lappui de lAlgérie» (§ 17), refusant dapporter léclairage, qui lui incombe en sa qualité de haut responsable de lONU, sur le processus de décolonisation et le jeu trouble de certains membres du Conseil de sécurité, qui incitent loccupant marocain dans la voie des hors-la-loi. De manière suggestive, le rapport de Ban Ki-Moon reproduit également les critiques marocaines à légard de lAlgérie et du Haut Commissariat aux réfugiés (HCR), sans les accompagner dexplications nécessaires. Il est en outre souligné que chacune des parties au conflit sest «à des degrés divers» intéressée à la proposition de lautre, avant daller vers la mise en avant des «positions mutuellement exclusives» du Maroc et du Polisario (§ 20). A aucum moment, le secrétaire général na jugé utile de rapporter les faits tels quils se sont présentés ni de rappeler que cest seulement le Front Polisario qui a vraiment coopéré sur le terrain des négociations et accepté dinclure la proposition dautonomie de Rabat (davril 2007) parmi les autres options existantes, afin daller vers lorganisation dun référendum dautodétermination. Dans ce cadre, Ban Ki-Moon aurait pu préciser aussi que le Maroc a confondu la reprise des négociations avec une démarche qui lui était conquise davance, en rejetant la proposition sahraouie (davril 2007) et en sen tenant à sa seule et unique offre (plan dautonomie). En agissant de la sorte, le secrétaire général de lONU, sciemment ou inconsciemment, fait écho à une certaine stratégie favorisée par Rabat et certains de ses alliés, principalement français, qui pousse à limposition de la souveraineté du royaume du Maroc sur le Sahara occidental, ainsi quau recul plus grand de lONU, en matière de règlement du dossier de la dernière colonie dAfrique.
Réduction du concept des droits de lhomme
Une des nouveautés dans le rapport de Ban Ki-Moon, cest que celui-ci consacre une bonne partie à la situation des droits de lhomme au Sahara occidental. Non seulement il place lagresseur et lagressé sur le même pied dégalité, mais il sattache également à énoncer que les deux belligérants se sont «mutuellement» accusés de commettre des violations et se sont plaintes (§ 12 et 16). Ainsi, le document du secrétaire général ignore tous les appels et tous les écrits dénonçant les atteintes aux droits humains par les forces doccupation marocaines, qui émanent de certains Etats, des personnalités et des juristes internationaux, de parlementaires et délus, dassociations, dorganisations internationales et des médias internationaux. Concernant les «plaintes» formulées par le Front Polisario, Ban Ki-Moon ne tient pas à signaler que celles-ci se basent sur des faits concrets, appuyés à léchelle internationale. De plus, il ne parle pas des suites qui ont été réservées (ou qui seront réservées) aux correspondances du Polisario, après leur enregistrement et leur transmission au Haut-commissariat des Nations unies aux droits de lhomme.
Sur un autre plan, le rapport, à moins dune erreur de traduction (de langlais vers le français), use abusivement du conditionnel en rapportant des faits qui se sont pourtant produits, relatives aux violations des droits de lhomme dont sont victimes les Sahraouis des territoires sous occupation marocaine (§ 60) et au cas de jeunes sahraouis arrêtés et empêchés, par Rabat, alors quils allaient se rendre au Royaume-Uni, sur invitation. Il demeure surtout silencieux sur la campagne internationale de dénonciations de loccupation marocaine et ses répercussions sur les plans des violations des droits de lhomme et du pillage des ressources naturelles du Sahara occidental. Pire, le rapport de Ban Ki-Moon sadosse sur les informations livrées par les «autorités marocaines et (les) médias marocains», qui attestent que la question des droits humains est instrumentalisée par le Front Polisario «en vue de détourner lattention des véritables questions au centre des négociations». Et le secrétaire général de lONU, quen pense-t-il de tout cela ? Aucune réponse ni précision ne sont données. Par contre, le rédacteur du rapport reconnaît très justement que lONU «ne dispose pas sur le terrain de personnel expressément chargé de veiller au respect des DH» et que la Mission onusienne pour un référendum au Sahara occidental (Minurso) nest pas «dotée dun mandat précis en matière de DH» (§ 59). Il soutient même que lONU «est consciente du devoir qui lui incombe de faire respecter les normes relatives aux DH». Seulement ces arguments sont battus en brèche plus loin. En effet, Ban Ki-Moon marque un recul, en remplaçant le «devoir» de lONU par son «intérêt» (§ 76) de «promouvoir le respect des normes internationales relatives aux droits de lhomme». Par ailleurs, au lieu de consolider la responsabilité de lONU dans la protection du peuple colonisé du Sahara occidental, principalement les Sahraouis exposés directement à la machine infernale de loccupation, qui vivent dans les territoires occupés du Sahara occidental et au Maroc, le rapport presse lONU et lensemble de la communauté internationale de «veiller à ce que chacune des parties au conflit comprenne ses responsabilités.»
Urgence de purifier la sphère des «mutuellement»
La première remarque qui vient à lesprit, en lisant le chapitre sur les observations et les recommandations, cest que celui-ci semble déconnecté de la plupart des événements rapportés dans le rapport du secrétaire général de lONU et des préoccupations émises par ce dernier. Le document utilise plus de 12 fois lexpression «territoire», alors quil traite du territoire du Sahara occidental, qui figure dans la liste des «territoires non autonomes» des Nations unies. En plus clair : lONU reste toujours responsa
ble pour mener à terme la décolonisation de lex-colonie espagnole. Plus grave, Ban Ki-moon néglige démesurément le but assigné aux négociations maroco-sahraouies. En effet, il recommande au Conseil de sécurité de redemander aux deux parties de «négocier de bonne foi et sans conditions préalables, sous les auspices de (son) envoyé personnel» (§ 73). Sans plus ! Plus loin, il soutient que son envoyé personnel, Christopher Ross, travaille pour «parvenir à une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable du conflit au Sahara occidental» (§ 79).
Cest tout ! Dans un cas comme dans lautre, le secrétaire général essaie deffacer lengagement pris, il y a quelques années, par le Conseil de sécurité de mener les négociations vers la voie prescrite par lONU, à savoir celle qui garantit le droit du peuple sahraoui à lautodétermination, à travers un référendum conforme, particulièrement à la Déclaration sur loctroi de lindépendance aux pays coloniaux et les résolutions de la IVe Commission de décolonisation de lONU.
Sur un autre registre, le rapport se saisit enfin de la «dimension humaine» du conflit (§ 75). Seulement, alors que lon sattendait, après adoption en 2009 de la résolution 1871 (du Conseil de sécurité), à la prise en charge de cette dimension humaine dans son intégralité, incluant même la question des violations des droits humains, Ban Ki-Moon vient au secours du Maroc et la retourne contre le peuple sahraoui : il la réduit au «sort des réfugiés» sahraouis. Cette façon de faire a fait dire à certains observateurs que Ban Ki-Moon veut à la fois «enterrer définitivement le rapport du Haut-Commissariat aux droits de lhomme de lONU (de 2006), qui accable loccupant marocain», et «conforter le Maroc et son allié inconditionnel français, qui sont opposés à la publication dudit rapport et à lextension du mandat de la Minurso aux questions des droits de lhomme». Mais, le lâchage des Sahraouis ne semble pas sarrêter à ce niveau, puisque le rapport abandonne entièrement la problématique de décolonisation et reprend à son compte une idée déployée par le Maroc qui consiste à comparer les réfugiés sahraouis à des «séquestrés» : Ban Ki-Moon demande ainsi de réfléchir «sérieusement à lidée de procéder à un recensement des réfugiés» et, plus grave, de mettre en Suvre un programme d«entretiens individuels» (§ 75). Que devient alors le dernier recensement du HCR, destiné à préparer le retour des réfugiés sahraouis au Sahara occidental sous occupation marocaine ? On se demande même sil sexprime sur les réfugiés sahraouis, en parlant de «représentants des camps de Tindouf» (§ 61). Jouant toujours sur la fibre des ambiguïtés et des amalgames, le rapport du secrétaire général entretient également la confusion sur le rôle de la Minurso (§ 78), le limitant pratiquement à l«indispensable (&) maintien du cessez-le-feu au Sahara occidental». Un rôle qui, pour rappel, est du ressort des Casques bleus. Pourtant, cest exclusivement sur cette base quil exhorte «donc» le Conseil de sécurité à proroger le mandat de la Minurso, dune année, jusquau 30 avril 2011. Question : si les Casques bleus ont pour mission de surveiller le cessez-le-feu instauré en septembre 1991, que doit faire la Minurso en attendant dorganiser le référendum dautodétermination du peuple sahraoui ? Cette question nous renvoie à lannée 2006 et au rapport accablant du Haut Commissariat de lONU des droits de lhomme sur la situation au Sahara occidental. Depuis cette époque, il était attendu que la Minurso, la seule force de paix des Nations unies ne disposant pas encore les compétences de protection de la population sahraouie des territoires sous occupation marocaine, prenne enfin en charge ce volet inquiétant. Le veto de la France en avait décidé autrement et semble avoir enfanté aujourdhui des petits.
En conclusion, le rapport du secrétaire général renie le caractère colonial de la question sahraouie et semble adhérer, ouvertement ou sous la contrainte, aux thèses marocaines sur la «marocanité» du Sahara occidental. Rien nest proposé en effet pour obliger le Maroc à rejoindre de nouveau les rails de la légalité internationale ou à se défaire de son attitude intransigeante et unilatéraliste.
Rien nest suggéré pour doter la Minurso dun mandat de protection et stopper la marche de la machine coloniale. Enfin, rien nest avancé pour parachever le processus de décolonisation au Sahara occidental.
Mais, on ne refait pas si aisément lhistoire dun peuple «colonial et colonisé» ; de plus, le Sahara occidental na jamais dépendu de la souveraineté du Maroc. A moins de viser leffondrement de lédifice onusien et de rechercher la guerre dans la région, il urge de purifier la sphère des «mutuellement», destinés ni plus ni moins quà certifier labandon officiel du droit du peuple sahraoui à lautodétermination.
Repères
En septembre 2008, Ban Ki-moon annonce le remplacement prochain de son envoyé personnel, Peter Van Walsum, et informe que le 5e cycle des négociations maroco-sahraouies se tiendra en «automne» 2008.
La nomination du successeur de Van Walsum, Christopher Ross, ne devient effective quen janvier 2009, en raison de lopposition marocaine. Le diplomate américain a pour mission de «parvenir à une solution politique durable et mutuellement acceptable, laquelle devrait assurer lautodétermination du peuple du Sahara occidental».
En novembre-décembre 2009, une grève de la faim de 32 jours est observée par la militante sahraouie des droits de lhomme, Aminatou Haidar, dans un aéroport espagnol de Lanzarote, après sa déportation par les Marocains, pour protester contre son expulsion dEl Ayoun, capitale occupée du Sahara occidental. La mobilisation est à son summum : la question sahraouie est mise sous les projecteurs de lactualité internationale. Laction pacifique du Prix de la Fondation américaine Kennedy a aussi le mérite de mettre à nu le régime de Rabat en matière de violations des droits de lHomme et suscite des clarifications dans la position espagnole. Une résolution est adoptée par le Parlement espagnol pour affirmer que le «statut définitif du Sahara occidental doit respecter la légalité internationale et être le résultat du libre exercice du droit du peuple sahraoui à lautodétermination, à travers lorganisation dun référendum, conformément à la Charte des Nations unies et aux résolutions du Conseil de sécurité». Le même texte plaide par ailleurs pour «lélargissement du mandat de la Minurso à la question des droits de lHomme au Sahara occidental».
Le discours sur «la régionalisation », prononcé par le roi Mohammed VI, le 3 janvier 2010, confirme léchec du soi-disant «plan dautonomie», mais vient annoncer une nouvelle stratégie, pour réoccuper le terrain perdu et recentrer le débat sur lautonomie du Sahara occidental.
La situation des droits de lhomme au Sahara occidental inquiète Christopher Ross.
Au cours du mois de janvier 2010, ce dernier, daprès El Pais, déclare devant le Conseil de sécurité que «la question des droits de lHomme occupera une place de choix dans le renouvellement du mandat de la Minurso, en avril prochain», que «le Conseil de sécurité va devoir soccuper de la question et la soutenir».
En mars 2010, lors de la visite de Christopher Ross au Maghreb, le roi du Maroc, Mohammed VI, déclare au médiateur onusien, à Rabat, que loption du référendum au S
ahara occidental est «définitivement écartée».
La question des droits de lhomme au Sahara occidental figure dans le dernier rapport du secrétaire général de lONU transmis au Conseil de sécurité, qui doit lexaminer et se prononcer, à la fin avril 2010, sur les suites à donner au dossier du Sahara occidental.
Z. C.
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