Sommet d’Alger contre le terrorsime au Sahel : suspictions sur la relation AQMI-Maroc

Par Carlos Ruiz Miguel (1)
Plusieurs États se sont réunis à Alger pour combattre le terrorisme de l’autodénommé « AQMI ». La presse algérienne souligne que ce sommet antiterroriste, tenu à huit clos, a pour objectif lutter contre le terrorisme et… « contre l’ingérence extérieure ». Le Maroc n’a pas été invité. Pourquoi ? Peut-être parce que le rôle qu’il jouerait par rapport à l’AQMI n’est pas clair, comme il n’est pas clair non plus ce qui est, avec exactitude, cette autoproclamée « Al Qaida » qui n’a d’Al-Qaida que le nom.

I. LE SOMMET D’ALGER CONTRE LE TERRORISME DANS LE SAHEL

Le gouvernement algérien a convoqué un sommet, qui a été célébré le 16 mars, pour analyser le terrorisme dans la région du Sahel, ses causes et les moyens pour le combattre.

Dans ce sommet ont participé les sept États avec territoire dans la région du Sahel (la frange méridionale du désert du Sahara) à savoir, la Mauritanie, le Mali, le Niger, l’Algérie, le Burkina Fasso, la Libye et le Tchad.

Les événements récents relatifs au terrorisme ont suscité de grandes tensions entre différents pays de la région. Le moment peut-être de plus grande tension s’est produit suite à l’intervention de la France forçant le Mali à libérer plusieurs terroristes en échange de la libération de l’otage Pierre Camatte, présumé « cooperant » français qui, ensuite, s’est évéré un agent du service d’espionnage français (la DGSE, Direction Générale Générale de Sécurité Extérieure).

Cette libération, dans laquelle la France a fait pression pour violer les résolutions du Conseil de Sécurité sur le terrorisme que la France même a approuvées, a provoqué une crise majeure entre l’Algérie et la Mauritanie, d’un côté, et le Mali, de l’autre, dans laquelle les premiers accusaient le deuxième d’alimenter la spirale du terrorisme avec des graves préjudices pour tous les pays du Sahel.

Le presse algérienne, qui est logiquement celle qui donne le plus de couverture au sommet, puisqu’il est tenu à Alger, a signalé, en diffusant l’information filtrée par le Gouvernement que l’un des objectifs du sommet est de faire face au terrorisme et à l’ingérence extérieure.

II. AQMI, L’ETRANGE GROUPE QUI DÉSTABILISE LE SAHEL

AQMI ou « Al Qaida au Maghreb islamique », est un groupe, qui avec ce nom, est né en 2006. Néanmois, la naissance de cette « Al Qaida » est un peu étrange.

Dans un site américain sur les affaires nord-africaines (Magharebia) derrière lequel il n’est pas impossible de trouver la main de la CIA, l’on fait allusion aux étranges circonstances qui ont donné naissance à cet « Al Qaida » :

« Les relations entre (Abdelmalik) Drukdel (l’ex-chef supposé d’AQMI) et (Abu Obeida) Yusef (le nouveau chef supposé d’AQMI) se sont détériorés depuis l’annonce, en 2006, de l’allégeance du Groupe Salafiste pour la Prédication et le Combat (GSPC) au réseau international d’Al Qaida. Le conseil de notables a été écarté et il n’a jamais été consulté par le nouveau chef de l’organisation terroriste (Drukmel). »

Cette façon si rare de « s’associer » avec Al Qaida a fait qu’un journal algérien, La Nouvelle République (16-III-2010) se demande :

« L’affiliation du GSPC à Al-Qaïda est-elle crédible ? Pourquoi ne pas considérer qu’il s’agit d’une annonce suscitée, provoquée, programmée par celui qui, dans l’espace géopolitique auquel les autorités algériennes ne cessent pas de déclarer leur appartenance, nous considère comme son ennemi stratégique ? »

III. L’ETRANGE PROTESTATION DU MAROC POUR NE PAS AVOIR ETE INVITÉ AU SOMMET

Si tout ce qui a été exposé ci-dessus n’est pas suffisamment inquiétant, le même jour du sommet antiterroriste d’Alger, le Ministère marocain des Affaires Etrangères a publié un communiqué dans lequel il se plaint d’avoir été exclu de la réunion :

« Le Royaume du Maroc déplore la réaction négative des autorités algériennes et regrette cette attitude d’exclusion devant une menace cependant commune et identifiée qui exige nécessairement une réponse ordonnée et collective au bénéfice de la consolidation de la paix et la sécurité régionales. »

Ce qui est étrange est que le Maroc veut s’autoinviter à une réunion sur un espace dont il ne fait pas partie! Parce que ni le Maroc ni le Sahara Occidental font partie du « Sahel ».

Si le Maroc ne fait pas de partie du Sahel: pourquoi veut-il s’informer de ce que les autres États concertent contre le terrorisme ?

IV. LA CONVERGENCE OBJECTIVE SUSPECTE ENTRE LE MAROC ET AQMI

L’éventualité qu’AQMI puisse jouir d’un soutien des services secrets marocains a été déjà formulée par des sources maliennes reprises par le correspondant à Bamako de Jeune Afrique (un magazine loin d’être hostile au Maroc, mais tout le contraire). Dans ce blog j’ai fait écho de cette dénonciation.

Il se trouve que les événements passés et récents ne cessent pas de donner des motifs de soupçon.

En ce qui concerne le passé, dans ce blog j’ai repris le témoignage d’un important leader terroriste d’un des groupes terroristes algériens qui ensuite se sont convertis en AQMI, témoignage dans lequel il affirmait qu’ils avaient été soutenus par le Maroc.

Mais, si nous regardons le présent, de nouveaux doutes surgissent. Le journaliste Ignacio Cembrero, dans El Pais du 13 mars 2010 rapportait l’un des derniers communiqués d’AQMI, dans lequel ils disent que :

« L’Espagne de nos jours continue l’Inquisition en s’alliant « à l’OTAN et aux EU dans la guerre contre l’islam et les musulmans », dit le texte. Cette guerre « ne fait pas de distinction entre civils et militaires ». »

Cependant, un jour avant la publication de cette nouvelle par EL Pais sur le communiqué d’AQMI, l’agence de presse officielle marocaine, MAP, annonçait le 12 mars :

« Une délégation militaire de l’Organisation du Traité de l’Atlantique le Nord (OTAN) effectue une visite au Maroc dans le cadre de la coopération militaire entre l’alliance et le Royaume,a indiqué vendredi un communiqué de l’État-Major Général des Forces Armées Royales. »

Cela ne s’arrête pas là, puisque trois jours après, le 16 mars, l’agence officielle de presse marocaine, la MAP, publiait une une dépêche sous le titre : « Le Maroc, un « sociétaire stratégique » pour stabilité dans la région sud de la Méditerranée (un responsable OTAN) »

Les questions s’imposent :

– si le groupe « Al Qaida au Maghreb Islamique » est composé non seulement d’algériens mais aussi de Marocains, pourquoi aucun de ses attentats n’est exécuté au Maroc ou au Sahara Occidental occupé par le Maroc ?

– si le Maroc est le pays du Maghreb qui collabore le plus avec l’OTAN, pourquoi aucun des attentats d’AQMI n’est perpétré contre le Maroc ? 

(1) Carlos Ruiz Miguel, professeur à l’Université de Saint-Jacques de Compostèle (Espagne)

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