Choueikhatou Biadillah, serait-il déçu par son roi?

Au début de son aventure, les marocains ont eu la faiblesse de croire El Himma quand il affichait son intention de renouveler la classe politique en y injectant du sang neuf, des cadres jeunes et compétents, vivier d’idées nouvelles pour le Maroc de demain. Et voilà qu’il leur amène Choueikhatou Biadillah. De ministre de la santé a été propulsé pour remplacer Fouad Ali Himma, l’ami et main droite du roi Mohamed VI, à la tête du PAM. De la sorte, il est passé à occuper le devant de la scène à cause de ses origines. « Je ne suis pas le sahraoui de service », dit-il. Pourtant, parmi tous les leaders de partis dépêchés à plusieurs capitales du monde pour expliquer la position du Maroc sur le conflit du Sahara Occidental, seul le nom de Biadillah a eu, dans un premier temps, l’honneur d’être mentionné. Et d’être reçu personnellement par le roi. Et puis, la première réunion de son parti a eu lieu à la ville d’El Aaiun. Sa nomination sera suivie de toute une série de déclarations sur le projet marocain d’autonomie et de la régionalisation. 
Quelques mois plus tard, il est élu président de la Chambre des conseillers dans une parodie politique qui voit un parti de l’opposition, le PAM, faire élire son secrétaire général à la tête du Parlement grâce aux voix de l’Istiqlal, parti du chef de gouvernement. Enfin, 2M lui consacre un reportage le jour-même de la fête de la Marche Verte où on le voit suivre le discours du roi. Il n’y a pas que cela. Lorsque l’affaire du Mouvement Alternatif des Libertés Individuelles (MALI) éclate, Choueikhatou Biadillah se fend dans le quotidien Al Massae d’un article, intutilé « La Patrie et le complot », qui suinte le fascisme et… la complotite aiguë. 
L’article est destiné à mettre en perspective les événements qui ont occupé la une des médias marocains dernièrement. Dès le titre, on devine facilement que l’auteur met sur le compte du complot contre la patrie aussi bien le sondage sur la popularité du roi, le mouvement MALI, que les réactions qui ont suivi la publication du bulletin de santé du roi.
Justifiant son intervention par le sentiment qui le gagne par « la désertification que connaît l’espace public de tout débat » et par « le renoncement des élites à leurs diverses missions », Biadillah réagit en mettant ce complot sur le compte de milieux aussi divers et variés que les intégristes animés par l’utopie du Califat, les partisans des doctrines chiites, Wahhabites et Bahaii obéissant à des agendas étrangers, les séparatistes ou encore les prosélytes chrétiens.
Mais à ce mélangé explosif, l’auteur ajoute une catégorie pour le moins bizarre. Celle des missionnaires de l’ère de la Darija et de la disparition de l’arabe classique et ceux qui veulent utiliser les caractères latins pour la langue Amazigh, soeur de l’arabe.
Pour faire face à ces comploteurs, et là il ne laisse plus aucun doute sur sa nature fasciste, Biadillah cite Althusser pour justifier le recours de l’Etat à la répression légitime à travers police et tribunaux, dans un contexte caractérisé, selon lui, par « l’effrayante panne des appareils idéologiques de l’Etat ».

La carrière politique de Choueikhatou a été façonnée pour devenir une arme contre la nouvelle génération d’activistes pacifistes sahraouis. Suite à la détention du « Groupe des Sept » activistes qui ont visité les camps de réfugiés sahraouis à Tindouf, il a présenté une proposition au Parlement visant à criminaliser les contacts avec le Polisario. Si jamais cette proposition est adoptée, les militants d’Annahj Addimocrati ne tarderont pas à regagner leurs cellules qu’ils ont occupées durant le règne de Hassan II. Ils n’hésitent pas à rencontrer les membres du Polisario tant en France qu’en Espagne et ils réclament le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination. Mais que fera-t-on avec les responsables marocains qui rencontrent les dirigeants du Polisario en Autriche ou à Manhasset aux Etats-Unis dans le cadre des négociations sous les auspices des Nations Unies? Ce qui est interdit pour certains serait-il permis aux autres?
Les agissements de Choueikhatou montrent clairement que son parti, le PAM, sert de courroie de transmission à la mise en oeuvre parlementaire des décisions royales. Ainsi, lors de l’affaire Aminatou Haidar, Biadillah a fait de multiples déclarations dans la presse marocaine et lors d’une visite officielle en Espagne qu’il est « difficile pour le Maroc de rendre à Haidar son passeport et d’accepter son retour. Aucun pays au monde ne l’accepterait », et il a ajouté : « Malheureusement, les partis politiques et l’opinion publique marocaine refusent catégoriquement son retour ».
Dans ses dernières sorties, après le retour de Haidar, on note une certaine démotivation, voire amertume dans ses déclarations. Serait-il déçu par le roi Mohamed VI? Ou bien, il s’agit juste de prudence et précaution pour ne pas répéter la même erreur? En tout cas, il semble avoir retenu la leçon : Courir tout le temps derrière le roi n’est pas sans risques.

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