Moratinos distribue des incongruités entre Alger et Rabat
La diplomatie espagnole au Maghreb accumule dangereusement des erreurs et les déclarations pressées que, après avoir irrité quelques pays au détriment des autres, fait perdre crédibilité, sérieux et capacité de négociation au Gouvernement de Rodríguez Zapatero à l’heure de défendre les intérêts espagnols dans la région.
Pedro Canales, 24-11-2009
Peu de semaines avant que l’Espagne assume la présidence de tour de l’Union Européenne, le comportement politique du Gouvernement au Nord de l’Afrique, une région d’intérêts stratégiques pour les pays du flanc sud de l’UE, suscite des inquiétudes.
Le comportement erratique du ministre Moratinos dans l’affaire de l’activiste sahraouie Aminatu Haidar, ses déclarations sur le fait « inconcevable de la fermeture de frontières entre l’Algérie et le Maroc », et sur le présumé « important rôle » qui peut jouer le Maroc dans les relations entre l’Europe, l’Afrique et l’Amérique latine, suscitent des inquiétudes en ce qui concerne les orientations de la diplomatie espagnole.
La déclaration de l’intention du Gouvernement espagnol, d’octroyer à la sahraouie Aminatou Haidar le statut de « réfugiée politique » , alors que celle-ci ne l’a pas demandé, la seule chose qu’il obtient est de retirer au régime du Maroc la « pomme de terre chaude » de justifier devant l’Union Européenne et les États-Unis « l’expulsion » de Haidar de Layyoune dépourvue de passeport, et déplacer le problème vers l’Espagne. L’Exécutif espagnol assume les conséquences d’un problème fabriqué par Rabat et qui suppose une grave infraction à la légalité internationale.
En ce qui concerne le rôle du Maroc dans la relation tripartite entre l’Afrique, l’Europe et l’Amérique latine, loué pour Moratinos dans une rencontre célébrée à Tanger ce week-end, le ministre espagnol a oublié que le Maroc est le seul pays du continent qui ne fait pas partie de l’Union Africaine pour avoir refusé de s’asseoir sur la même table que les saharauis de la République Sahraouie Democratique (RASD) qui intègre l’UA. « L’aire d’influence » du royaume alaouite dans le continent africain se limite presque exclusivement à une partie de l’Afrique Occidentale, du Sénégal et du Gabon principalement. Aussitôt que ses relations avec l’Amérique latine sont embuées par la rupture de relations avec le Venezuela, l’inexistence cette relation avec Cuba et les difficultés de la diplomatie marocaine de faire admettre aux pays de l’Amérique espagnole son projet d’annexion – autonomie dans le Sahara Occidental. Dans des telles conditions le « rôle » du Maroc évoqué par Moratinos se trouve sérieusement limité.
La dernière perle de la diplomatie espagnole a été celle de donner des leçons de géopolitique aux deux voisins maghrébins, l’Algérie et le Maroc qui portent un demi-siècle de litiges ininterrompus. Après avoir considéré la fermeture des frontières entre les deux pays incompréhensible, Moratinos alimente les plaintes de la diplomatie alaouite motivées par les énormes pertes matérielles que suppose la paralysation du commerce, du transport et des flux humains entre l’Algérie et le Royaume de Mohamed VI. La diplomatie algérienne a répondu à Moratinos en déclarant que « le problème de la frontière terrestre il faut l’inscrire dans un cadre général des relations entre Alger et Rabat », et dans l’idée de « ce que l’on veut du Maghreb ». Dit autrement, Alger a conditionné l’ouverture de sa frontière entre Oujda et Maghnia, à la question du Sahara Occidental, qui pour la diplomatie de Bouteflika est la pièce maîtresse dans l’architecture maghrébine.
Moratinos a voulu contenter le régime de Rabat, mais il a oublié que l’Espagne importe la grande majorité du gaz de l’Algérie, pays dans lequel les plus grandes entreprises espagnoles sont implantées. Curieusement et en coïncidant avec elles les déclarations de Miguel Ángel Moratinos à Tanger, l’Algérie a annoncé que la mise en place du nouveau gazoduc Algérie – Espagne que Beni Saf unira directement avec Alméria se reporte jusqu’au printemps 2010, alors que son inauguration était prévue pour ce dernier trimestre de 2009.
Le retard dans le gazoduc Medgaz provoquera des pertes importantes. L’Espagne possède 52 % d’actions de l’association (Cepsa 20 %, Iberdrola 20 % et Endesa 12 %), en face de l’algérienne Sonatrach (36 %) et Gaz de France (12 %). Les relations entre les partenaires espagnol et algérien sont plustôt tendues. Selon le ministre Chakib Khelil il y a un désaccord sérieux dans deux niveaux : « les prix du gaz, et la distribution par Sonatrach de ses produits en Espagne ». Des problèmes que la diplomatie espagnole ne semble pas tenir en compte.
EL IMPARCIAL, 24 novembre 2009
Traduction : Diaspora Saharaui
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