Au Maroc, le pouvoir se crispe

Le journal du palais royal marocain, Le Matin du Sahara et du Maghreb, célèbre aujourd’hui le 50ème anniversaire de l’agence de presse MAP. Le moins que l’on puisse dire c’est que cet anniversaire tombe dans une période caractérisée par le durcissement de ton en matière de presse indépendante et en matière de libertés publiques en général. 
Les différents juges ont systématiquement condamné les journalistes. Depuis que le Maroc est le Maroc c’est comme ça. Même avec les meilleurs codes de la presse du monde, en présence des meilleurs avocats du monde, même avec les excuses les plus sincères au monde, les magistrats marocains n’oseront jamais acquitter dans des affaires concernant la monarchie. C’est culturel chez cette justice d’allégeance et de vengeance 
Le tribunal de Casablanca accorde au prince Moulay Ismail en dommages et intérêts exactement le même montant qu’il avait demandé. Il ne pouvait pas faire autrement sinon ça serait lèse-prince, la requête du cousin du roi est à rajouter à la grande liste des sacralités au Maroc. Bien que le tribunal n’ait pas prononcé l’interdiction, les dommages et intérêts au profit du prince Moulay Ismail, s’ils sont confirmés en appel et exigé par le prince, constitueraient de facto une condamnation à mort financière (à supposé que la question de mort du journal se pose encore puisqu’il est déjà interdit depuis plusieurs semaines ). 
Enfin la prison en sursis, qui bien que moins affamante que la prion ferme, constitue une une épée de Damoclès qui prive les journalistes de leur liberté aussi longtemps qu’elle encourt. On connaît des journalistes qui ont cessé d’exercer leur profession de peur du basculement de leur sursis en prison ferme.
Ainsi en va la liberté de presse au Maroc. Ne reste plus qu’à en appeler aux casques bleus pour intervenir face à ces talibans de la liberté d’expression qui mènent une vraie guerre d’un autre temps.
Triste sort pour un pays qu’on espérait devenir une exception dans le monde arabe. L’espoir n’a été que court et bref. Le palais a fait son choix, et le modèle recherché n’est plus la monarchie espagnole, comme on aimait dire au début du règne de Mohammed VI, mais notre horizon actuellement est celui de la Tunisie de Ben Ali. La presse indépendante, dernier bastion de la contestation, de la dénonciation, du refus à un pouvoir accoutumé aux courbettes et à la servilité, est en train de subir cette nouvelle « harka » du makhzen. 
En conclusion de ce qui s’est passé et de ce qui se passe, les autorités voudraient:
– Consacrer la premiere page á l’anniversaire du cheval de la cousine du cousin de la princesse X ou au « tadchine » d’un projet P (qui a été dejá « dechné » qqes années auparavant mais dont personne n’a encore rien vu)
– Consacrer le reste du journal au sport, aux réunions des députés et aux reprises du journal de la RTM
– Pas de critique (aussi constructive qu’elle puisse etre)
– Pas de sondage
– Pas de sujets sur la religion, les moeurs, le palais, les harragas, l’armée ou la drogue
– Ni photos ni caricatures de la famille royale!
– Pas de mauvaises nouvelles, que des bonnes nouvelles, et tout va bien madame la marquise…
En gros, ils peuvent tout interdire et laisser « Le Matin du Sahara et du Maghreb » pour continuer à chanter les « acquis » de la monarchie alaouite. 
Le gouvernement opprime ses citoyens en usant de violence. Les Marocains n’ont pas la possibilité de changer la donne (a savoir, une constitution qui sacralise tout ce qui touche de prés ou de loin au roi).
On continue de critiquer les décisions de la justice tout en ignorant les causes qui conduisent a de telles décisions. Les marocains vivent dans une dictature de droit divin qui se sert de la religion, de la diversité ethno-culturelle, et de l’histoire coloniale récente pour traiter le peuple comme des chiens tout juste bons a payer des taxes.
La raison de ce bras de fer entre certains médias écrits et le pouvoir est que le peuple a renoncé a défendre ses droits, parce que terrorisé par des décennies de règne tyrannique. La classe politique, quant a elle, est d’emblée pro-monarchique, car tout ceux qui posent les questions difficiles sont mis a l’écart tout a fait légalement (et ont ose nous parler de pluralité après cela!). Reste les quelques journalistes qui nous rappellent l’absurdité de ce status quo, ou il est quasi-impossible de parler de ceux qui détiennent le pouvoir.
Chaque affaire pousse les Marocains a s’auto-censurer encore plus. Et c’est le but recherché. 
Le pouvoir se crispe. Pourquoi ? Parce que le masque de la comédie appelée transition démocratique est tombé. La période de grâce est bel et bien finie. Le Makhzen sent qu’il risque de perdre l’initiative devant la soif démocratique des marocains. L’autorité du palais sera réaffirmé au nom de l’intégrité territoriale. Pour pousser les marocains à accepter la répression il faut commencer par les sahraouis. L’arrestation des militants des droits de l’homme sahraouis à Casablanca est le prélude d’une série de mesures d’un retour violent de l’Etat pour réaffirmer l’autorité de la monarchie qui se voit menacée par les revendications démocratiques. 

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