Le roi, clef de voûte du système du Makhzen

Par Baba Sayed

Le Royaume du Maroc est l’un des rares pays au monde où la pratique et l’usage de l’« irresponsabilité » politique et de l’impunité juridique, sont consacrés et célébrés comme mode « original » de gouverner des souverains marocains. Dans un pays où tout, absolument tout, dépend du bon vouloir et du bon plaisir d’un seul individu, le roi, ce dernier ne peut pourtant être tenu responsable, ni politiquement, ni militairement, ni économiquement, ni socialement, ni juridiquement et encore moins pénalement, d’aucune « mauvaise » décision qu’il pourrait prendre ou mettre en oeuvre. Le roi, pourtant l’incontestable et incontesté maître de facto et de jure, ne peut être considéré, exclusivement, que l’auteur des bonnes et sages décisions. Les autres décisions, les mauvaises et les non sages, ce sont forcément, et de manière systématique, les « autres » qui doivent en répondre, voire en payer de leurs vies les conséquences.


Considérée sacrée par la constitution, aux côtés des deux autres symboles du Royaume, Allah et la Patrie, la personnalité du roi est au-dessus de toute critique et de tout reproche, inviolable. Le roi, clef de voûte, par excellence, du système est pourtant, en plus d’être le chef suprême des armées, le commandeur des croyants, l’un des plus grands propriétaires et hommes d’affaire du pays, le symbole de son unité et le garant de sa stabilité, est aussi celui qui définit et conduit « souverainement » les politiques intérieures et extérieures du pays. Il est également celui qui nomme et désigne le gouvernement et au nom duquel les prières sont dites dans les mosquées, les jugements et les sentences prononcés dans les tribunaux.


Devant un parlement d’opérette, un gouvernement réduit, littéralement, au simple rôle de secrétariat et une opposition officielle aux ordres, émasculée, qui se contente, pitoyablement, de faire de la figuration après avoir, lamentablement, échoué à faire la révolution, « Sa Majesté » est le seul maître à bord, celui qui règne et gouverne, à la fois, et dont le pouvoir ne souffre ni contrôle ni limite. Quoi que dise le roi, quoi que fasse le roi, « Sa Majesté » le roi demeure, en toutes circonstances, l’incontestable et incontesté glorieux Sidna. Celui qui règne sur les esprits et les coeurs, celui qui ne peut se tromper ou même soupçonné d’être susceptible de l’être. Contredire « Sa Majesté », contester ses mesures ou s’opposer à ses décisions, est, par ailleurs, un crime de lèse-Majesté justiciable, comme on vient de le voir ces dernières années avec Tazmamart, Kal’at M’gouna, Derb Moulay Chrif et autres mouroirs, des pires châtiments.


Et pourtant, c’est ce même roi (Hassan II hier, son fils, Mohamed VI aujourd’hui) et c’est ce même pays, le Maroc, que les serviles et serviables organes de presse marocains, relayés, constamment et bruyamment, par une importante partie des médias de l’Hexagone, nous présentent, à longueur de bulletins d’informations radiophoniques, de journaux télévisés, d’enquêtes d’opinion « sur mesure » et de reportages bien illustrés, complaisamment, sans honte et sans vergogne, au mépris des moindres et élémentaires règles et principes de l’objectivité et de la déontologie journalistiques, comme les symboles prometteurs de l’irrésistible processus de démocratisation dans le monde arabe et  musulman ! 

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